La foi et la raison

— Objection. — D’après les rationalistes, il y aurait incompatibilité entre la foi et la raison Non seulement entre les deux aucun rapport ne saurait s’établir, mais, en requérant l’adhésion à des mystères, c’est-à-dire à des vérités qui dépassent, et même, déconcertent l’intelligence, la foi se met en contradiction absolue avec la raison, si bien qu’on ne peut croire sans abdiquer ta raison.

Réponse. — Nous avons déjà établi ailleurs les rapports entre la foi et la raison, et nous avons constaté que la prétendue opposition invoquée par les rationalistes n’existe pas. « Bien que la foi soit au-dessus de la raison, dit le concile du Vatican, il ne saurait pourtant y avoir jamais de véritable désaccord entre la foi et la raison. Car le Dieu qui révèle les mystères et répand la foi en nous étant le même que celui qui a mis la lumière de la raison dans l’esprit de l’homme, il est impossible que Dieu se renie lui-même ni qu’une vérité s’oppose à une autre vérité. »

Ainsi, d’après la doctrine catholique, trois traits caractérisent les rapports entre la foi et la raison. — a) La foi et la raison sont deux principes de connaissance distincts. b) Loin d’être en désaccord, ils doivent se prêter un mutuel concours. — c) Là où les deux principes se rencontrent, la foi est au-dessus de la raison.

A. LA FOI ET LA RAI SON, PRINCIPES DISTINCTS.

La foi et la raison sont deux principes de connaissance distincts, deux voies, deux lumières données par Dieu à l’homme pour atteindre le vrai. D’où il suit que chacune a son domaine respectif. Le domaine de la foi, ce sont toutes les vérités de la révélation, parmi lesquelles les unes, — les mystères, — sont inaccessibles à la raison, tandis que les autres lui sont accessibles et n’ont été révélées par Dieu que pour être connues avec certitude de la masse des hommes qui autrement les aurait ignorées ou mal connues. Le domaine de la raison, ce sont les vérités, — sciences physiques, naturelles, histoire, littérature, etc., -— que la raison, seule et par ses propres forces, peut découvrir, où elle n’entre pas en contact avec la révélation, où par conséquent elle est maîtresse absolue et n’a pas à subir le contrôle de l’Église.

B. PAS DE DÉSACCORD, MAIS MUTUEL CONCOURS.

— S’il est vrai que les deux principes viennent de Dieu comme l’affirme la doctrine catholique, comment pourraient-ils être en désaccord? Comment le vrai pourrait-il s’opposer au vrai! Et non seulement il n’y a pas, il ne peut y avoir de désaccord entre la foi et la raison, mais elles se prêtent un mutuel concours. La raison précède la foi, elle lui prépare le terrain, elle construit les fondements intellectuels sur lesquels elle doit reposer. Puis, quand la foi est en possession de la vérité révélée, c’est encore la raison qui scrute et analyse, pour les rendre intelligibles, autant que faire se peut, les vérités qu’elle croit. A son tour, la foi éclaire la raison : elle l’empêche de s’égarer à travers la multiplicité des systèmes faux et condamnés par l’Église. Elle stimule et élève la raison en lui ouvrant de nouveaux horizons, en proposant à ses investigations le vaste champ des vérités surnaturelles.

C. LA FOI EST SUPÉRIEURE A LA RAISON.

— Qu’on ne se méprenne pas sur le sens de cette expression. Nous avons dit plus haut que la raison a son domaine propre sur lequel elle est maîtresse absolue. La subordination de la raison à la foi dont nous parlons ici ne concerne donc que le terrain mixte, et le terrain réservé à la foi. Sur le terrain mixte, c’est-à-dire dans les vérités qui, tout en relevant de la raison, appartiennent au domaine de la foi, parce qu’elles ont été révélées par Dieu, — par exemple, l’existence et la nature de Dieu, l’existence et la nature de l’âme, la création du monde, etc., — la raison doit se conformer aux enseignements infaillibles de l’Église, et reconnaître ses erreurs s’il y a lieu. A plus forte raison « dans le domaine supérieur où se trouvent les mystères qui la dépassent, la raison est obligée à une sujétion plus grande. Là, elle n’est réellement qu’un instrument; c’est ce que signifie cet adage que « la philosophie est la servante de la théologie». Il s’agit de la philosophie raisonnant sur les mystères. Et si cette expression, qui choque tant les philosophes modernes, était si souvent employée au moyen âge, c’est parce que c’était cette partie de l’exercice de la raison qui semblait la plus importante et sur laquelle se fixait l’attention. La science n’existait encore qu’à l’état d’embryon ; l’étude de la révélation divine paraissait l’étude la plus importante de toutes ; tout se rapportait à la théologie comme centre ».

— Mais, objectent les rationalistes, les mystères, pour l’explication desquels vous réclamez le concours de la raison, sont absurdes. Prenez tous les dogmes fondamentaux de votre religion : un Dieu en trois personnes, le péché originel, un Dieu fait homme, la naissance virginale du Christ, la rédemption par la mort d’un Dieu sur une croix… Ne suffit-il pas de les énoncer pour constater qu’ils sont en contradiction avec la raison?

Assurément les mystères sont au-dessus de la raison, mais ils ne sont pas contre. Il est vrai qu’ils paraissent et même qu’ils sont en contradiction avec les lois de la nature, mais cela ne prouve pas qu’ils contredisent notre raison. Cette contradiction n’existe que lorsqu’on déforme les dogmes par des conceptions fausses et des termes impropres. Prenons un seul exemple que nous emprunterons au livre de Sully Prudhomme sur « La vraie religion selon Pascal». Voici comment il expose le mystère de la Sainte Trinité, et la contradiction qu’il y relève. « Dire qu’il y a trois personnes en Dieu, c’est dire qu’il y a en Dieu trois individualités distinctes. D’autre part cependant, la formule du mystère déclare qu’il n’y en a qu’une, celle de Dieu même : le Père est Dieu, le Fils également ; le Saint-Esprit également ; les trois personnes divines ne sont qu’un seul et même être individuel. »

— Si les théologiens présentaient le dogme sous cette forme, il est bien certain qu’il y aurait une contradiction dans les ternies. On ne saurait en effet concevoir trois individualités dans le même être individuel. Aussi n’est-ce pas ainsi qu’ils s’expriment. Laissant à Sully Prudhomme les termes ambigus d’ « individualités » et « d’être individuel », ils disent que le mystère de la Sainte Trinité consiste dans le fait d’une nature unique subsistant en trois personnes, en d’autres termes, qu’il n’y a en Dieu qu’une seule nature, mais que cette nature est possédée par trois personnes. Que le critique ne comprenne pas, nous n’en sommes pas surpris, mais vraiment la contradiction ne se trouve que dans sa formule. C’est donc celle-ci qu’il faut réviser.

Conclusion. — Ce que nous venons de faire pour le mystère de la Trinité, nous pourrions le faire et nous l’avons fait du reste pour les autres dogmes de la Religion catholique. Nulle part nous n’avons rencontré l’opposition entre la foi et la raison que voudraient y voir nos adversaires, et nous pouvons conclure que, si les dogmes dépassent la raison, ils ne la contredisent pas.

Extrait du Manuel d’apologétique de M.l’abbé Boulenger de 1920

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2 thoughts on “La foi et la raison

  1. 6. Le premier et principal soin de Léon XIII fut d’exposer la doctrine de la vérité des Livres Saints et de la venger des attaques lancées contre elle. Il proclama donc avec insistance qu’il n’y a absolument aucune erreur quand l’hagiographe, traitant des choses de la nature, “a suivi ce qui apparaît aux sens”, comme dit le Docteur angélique (cf. Ia, q. LXX, art. 1 ad 3), parlant “ou par une sorte de métaphore, ou comme le comportait le langage usité à cette époque ; il en est encore ainsi aujourd’hui, sur beaucoup de points, dans la vie quotidienne, même parmi les hommes les plus savants”. En effet, “les écrivains sacrés ou, plus véritablement – ce sont les paroles mêmes de saint Augustin (De Gen. ad litt. II, IX, 20 ; P. L., XXXIV, col. 270 s. ; C. S. E. L. XXVIII [Sectio III, pars II], p. 46), – l’Esprit de Dieu, qui parlait par leur bouche, n’a pas voulu enseigner aux hommes ces vérités concernant la constitution intime des objets visibles, parce qu’elles ne devaient leur servir de rien pour leur salut” (LEONIS XIII Acta, XIII, p. 355 ; Ench. Bibl. n. 106) ; principe qu’il “sera permis d’appliquer aux sciences du même genre et notamment à l’histoire”, en réfutant “de la même manière les objections fallacieuses des adversaires” et en défendant “la vérité historique de l’Écriture Sainte contre leurs attaques” (cf. BENOÎT XV, Encyclique Spiritus Paraclitus, Acta Ap. Sedis, XII [1920], p. 396 ; Ench. Bibl. n. 471).

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    Saint Augustin (De Genesi ad litteram, lib. I, ch. XIX ; in: Œuvres complètes de saint Augustin, traduites pour la première fois en français, sous la direction de M. Raulx, tome quatrième, Bar-le-Duc, éd. L. Guérin, 1866 ; pp. 155-156) :

    38. Admettons effectivement qu’à propos de ce passage : « Dieu dit, que la lumière soit », les uns voient dans la lumière une clarté intellectuelle, les autres, un phénomène physique. Qu’il y ait une lumière intellectuelle qui illumine les esprits, c’est un point admis dans notre foi ; quant à l’hypothèse d’une lumière matérielle créée dans le ciel, ou au-dessus du ciel, ou même avant le ciel, et susceptible de faire place à la nuit, elle n’est point contraire à la foi, aussi longtemps qu’elle n’est pas renversée par une vérité incontestable. Est-elle reconnue fausse ? L’Écriture ne la contenait pas ; ce n’était que le fruit de l’ignorance humaine. Est-elle au contraire démontrée par une preuve infaillible ? Même dans ce cas, on pourra se demander si l’Écrivain sacré a voulu dans ce passage révéler une vérité ou exprimer une autre idée non moins certaine. Quand même on verrait par l’ensemble de ses paroles, qu’il n’a pas songé à cette idée, loin de conclure que tout autre idée qu’il a voulu exprimer soit fausse, il faudrait reconnaitre qu’elle est vraie et plus avantageuse à connaître. Et quand l’ensemble n’empêcherait pas de croire qu’il ait eu cette intention, il resterait encore à examiner s’il n’a pu en avoir une autre. Cette possibilité reconnue, on ne pourrait décider quelle a été sa véritable pensée ; on serait même fondé à croire qu’il a voulu exprimer une double pensée, si l’ensembe prêtait à une double interprétation.
    39. Qu’arrive-t-il encore ? Le ciel, la terre et les autre éléments, les révolutions, la grandeur et les distances des astres, les éclipses du soleil et de la lune, le mouvement périodique de l’année et des saisons, les propriétés des animaux, des plantes et des minéraux, sont l’objet de connaissances précises, qu’on peut acquérir, sans être chrétien, par le raisonnement ou l’expérience. Or, rien ne serait plus honteux, plus déplorable et plus dangereux que la situation d’un chrétien, qui traitant de ces matières, devant les infidèles, comme s’il leur exposait les vérités chrétiennes, débiterait tant d’absurdités, qu’en le voyant avancer des erreurs grosses comme des montagnes, ils pourraient à peine s’empêcher de rire. Qu’un homme provoque le rire par ses bévues, c’est un petit inconvénient ; le mal est de faire croire aux infidèles que les écrivains sacrés en sont les auteurs, et de leur prêter, au préjudice des âmes dont le salut nous préoccupe, un air d’ignorance grossière et ridicule. Comment en effet, après avoir vu un chrétien se tromper sur des vérités qui leur sont familières, et attribuer à nos saints Livres ses fausses opinions, comment, dis-je, pourraient-ils embrasser, sur l’autorité de ces mêmes livres, les dogmes de la résurrection des corps, de la vie éternelle, du royaume des cieux, quand ils s’imaginent y découvir des erreurs sur des vérités démontrées par le raisonnement et l’expérience ? On ne saurait dire l’embarras et le chagrin où ces téméraires ergoteurs jettent les chrétiens éclairés. Sont-ils accusés et presque convaincus de soutenir une opinion fausse, absurde, par des adversaires qui ne reconnaissent pas l’autorité de l’Écriture ? on les voit chercher à s’appuyer sur l’Écriture même, pour défendre leur assertion aussi présomptueuse que fausse, citer les passages les plus propres, selon eux, à prouver en leur faveur, et se perdre en de vains discours, sans savoir ni ce qu’ils avancent ni les arguments dont ils se servent pour l’établir.

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