Dieu est partout – Méditation spirituelle

C’est le propre des grandes choses, de celles qui sont extraordinairement belles et rares, d’attirer les yeux, et d’occuper l’esprit. Ainsi, vous verrez des gens qui y sont attachés avec plaisir, et qui ont de la peine à en retirer leurs yeux.

Ah ! si cela est, comment ne point avoir d’application à la présence de Dieu, devant qui toutes les beautés les plus charmantes ne sont que de vilaines laideurs, devant qui tout ce qu’il y a de plus rare parmi les choses créées, soit dans la terre, soit dans le ciel même, ne mérite pas qu’on s’applique un moment à le regarder ?

Est-il possible que ce Dieu qui fera toute l’occupation du Paradis, et dont l’occupation en fera la félicité, qui est un bonheur infini, soit ainsi dans l’oubli en ce monde ; et qu’étant partout, partout on ne le voie point ?


Mais dira-t-on, c’est qu’il est caché à nos yeux corporels. Réponse bien indigne de l’homme, qui n’a pas seulement un corps qui a des yeux, ce qui lui est commun avec les bêtes, mais une âme spirituelle, douée d’intelligence, qui lui fait discerner ce que les sens n’aperçoivent pas.

Nous avons dit que plusieurs Philosophes, par la seule lumière naturelle, avaient connu la présence de la Divinité en toute chose. Mais réponse intolérable dans le Chrétien qui a reçu le don de la foi, qui est un œil spirituel qui lui découvre certainement la présence de Dieu qui est partout, et avec plus d’assurance que les choses qui sont plus présentes à ses sens. Est-ce donc que ce bel œil qui est même éclairé par la lumière divine, lui sera inutile, et qu’il n’en sera point d’usage ?


Quoi donc, il sera vrai que nous marcherons dans Dieu ; que si nous regardons, nos regards passent à travers de Dieu ; que si nous respirons, c’est en Dieu ; que l’être de Dieu est intimement présent à notre être, qu’il le pénètre, qu’il l’anime, qu’il le soutient, qu’il lui donne la vie, l’opération, et tout ce qu’il a, et que néanmoins nous ne le regarderons pas seulement, on n’y pensera pas ?


Cependant on regarde, on s’applique à tout ce qui tombe sous les sens, en sorte, dit saint Augustin, qu’il semble que l’homme soit devenu tout chair ; car il ne pense qu’à ce que ses yeux de chair lui découvrent. Étrange et malheureuse corruption ! Infâme extase bestiale, par la domination de la partie animale !

Ainsi, l’homme dépravé est tout occupé des choses sensibles, soit qu’il soit seul, soit qu’il soit en compagnie. Que l’on fasse réflexion sur l’occupation des hommes ; leur pauvre esprit n’est rempli que de créatures, de terre, et des choses de la terre, de maisons, de jardins, de bois, de rivières, d’ameublements, de chevaux, d’équipages, d’habits, d’honneurs, de plaisirs, et des biens temporels. C’est à quoi ils pensent, c’est ce qu’ils aiment. Voilà le sujet de leurs entretiens, la matière de leurs conversations, pendant, hélas ! que l’on passe sa vie dans la désoccupation du Créateur.


Un serviteur de Dieu, (et c’est ce que nous avons rapporté autre part, dans l’un des ouvrages que la divine Providence nous a fait donner au public) arrivant à Paris par la voie d’un carrosse public, entendant toutes les personnes de sa compagnie qui s’entretenaient des nouveaux bâtiments que l’on avait faits dans cette grande ville, et qui s’invitaient à la regarder.

Hélas ! dit-il, et personne ne pense à dire que Dieu est ici, et personne ne pense à le regarder. Un autre faisant voyage sur l’eau dans un bateau plein de monde, comme quelques-uns ayant remarqué qu’il était tout pensif, et qu’il ne disait rien, lui en eussent demandé la cause ; hélas ! leur répondit-il, c’est que je pensais à l’intime présence de Dieu qui remplit ce bateau, et que personne n’y pense. Le même, dans plusieurs autres voyages, ne pouvait assez s’étonner, qu’il ne trouvait que des gens qui s’occupaient de tout ce qui se présentait à leurs yeux corporels, sans se souvenir de l’immense Majesté de Dieu qui remplit toutes choses.

Mais ce qui le surprenait davantage, est que lorsqu’il leur montrait combien il était juste de s’y appliquer, une si grande vérité ne faisait aucune impression, ni sur leurs esprits, ni sur leurs cœurs. Ah ! disait-il en lui-même, il faut que l’esprit et le cœur de l’homme soient dans un épouvantable dérèglement ! On lui dit : voilà des bêtes, des maisons, des arbres : il les regarde, il en parle, il ne fait son entretien ; on lui dit : voilà Dieu, et il n’y pense pas, et il n’en parle point !

On plaignait la personne dont nous parlons, qui , dans un long voyage, se trouvait seule dans un carrosse public ; et elle ne pouvait assez admirer la l’aveuglement des gens qui ne considéraient pas qu’elle avait avec elle les trois Personnes divines de la suradorable Trinité.

Si en passant par quelques lieux, et que l’on prît quelqu’un dans le carrosse, on lui marquait que ce lui serait une satisfaction d’avoir de la compagnie : ô pauvres aveugles, disait-elle en elle-même, j’en ai bien une autre ; et bien loin d’avoir du plaisir de celle des créatures, elles me donnent de la peine ; car elles ne servent qu’à divertir de celle du Créateur.


Ô qu’une âme qui découvrirait la présence de Dieu, y goûterait de délices, et qu’elle y trouverait de matière pour s’entretenir avec cette suprême Majesté !

Ô quelle différence entre la vie des sains Anachorettes, et celles des personnes qui vivent dans le siècle ! Les créatures du monde, à peine peuvent-elles supporter la retraite. Il leur faut toujours de la compagnie, et des divertissements qui ne sont que bagatelles.

Elles passent leur vie à s’entretenir avec d’autres créatures leurs semblables, et une demi-heure que dure la célébration du très-saint Sacrifice de la Messe, leur paraît bien longue. On crie si un Prédicateur parle plus d’une heure des plus grandes vérités de la Religion.

On dit qu’on a de la peine à s’entretenir avec Dieu l’espace d’une demi-heure ou d’une heure ; et cependant, où trouve-t-on de ces créatures du monde parfaitement contentes, même de celle qui jouissent davantage de ce que l’on y recherche le plus. Leurs jeux, leur bonne chère, leurs récréations, leurs plaisirs, leurs plus belles conversations, donnent-ils à leur cœur un repos entier ?

C’est ce qu’ils ne peuvent faire, parce qu’ils n’ont rien de véritablement solide, ils ne sont qu’une pure vanité. Au contraire les divins Solitaires, dans une entière séparation des créatures, sans avoir de conversation avec elles, sans leurs jeux, leurs divertissements, n’ayant que Dieu seul dans leurs déserts pour compagnie, qui était toutes leurs richesses, tout leur plaisir, possédaient une tranquillité que le monde ne connaît point. Une paix divine qui surpasse tout sentiment, demeurait dans leurs cœurs. Ils menaient une vie angélique, et ils commençaient à en goûter les joies célestes.

Ô ! qui pourrait nous dire ce qui s’est passé dans l’intérieur du divin Paul, Hermite, qui a vécu plus de quatre-vingts ans dans le désert, sans jamais y avoir vu ni parlé à personne ; car il y avait plus de quatre-vingts ans qu’il s’y était retiré lorsqu’il y fut visité par saint Antoine. Certainement sa vie a été une vie du Paradis, toujours dans la contemplation de la Divinité.


Malheur à nous, qui en sommes si peu occupés. Malheur à toi, ô monde, dans tes ténèbres, qui, ayant Dieu présent partout, et qui partout ne le regardes pas, et qui t’ennuies si-tôt dans le peu de temps que tu y penses, et que l’on te parle de sa suprême Majesté.

Ô si tu savais quel honneur c’est que la permission qu’il nous donne de nous entretenir avec sa grandeur infinie, que ne serais-tu pas pour jouir d’un bien si divin ?

Une âme éclairée voit bien que s’il fallait souffrir durant toute la vie pour avoir cette grâce seulement un moment, que ce serait peu de chose : et voici que nous pouvons, quand il nous plaît, et facilement avec le secours divin, jouir de cet honneur inestimable ; et nous le négligeons !


Ô vraiment, s’écriait la séraphique Thérèse, puisque mon Dieu est partout, je ne le laisserai pas sans avoir l’honneur de l’entretenir ! Certainement c’est une indignité insupportable à une chétive créature, de traiter de la sorte son Créateur.

Hélas ! voudrait-on en user de cette manière avec une personne un peu considérable ? C’est ce qui paraîtrait insupportable à une créature, et il faut qu’un Dieu le souffre !
Mais d’où vient un aveuglement si excessif parmi les hommes ?

C’est que les esprits sont aveuglés par la terre à laquelle ils sont attachés. Ô bienheureux ceux qui ont le cœur pur par le dégagement ; car ils verront Dieu. C’est à eux à qui il se manifeste avec des amours ineffables ; et c’est cette manifestation qui est le don de sa divine présence.


Toutes les créatures à la vérité, avec le secours de sa grâce, peuvent le voir partout, puisqu’il remplit tout de son immense Majesté. Mais dans la voie commune, il faut s’appliquer avec une attention spéciale pour découvrir son adorable présence. Les Chrétiens, avec la lumière de la Foi, s’y appliquent comme ceux qui cherchent quelque chose avec une chandelle durant l’obscurité de la nuit ; c’est avec une attention particulière, et avec peine.

Mais il y en a à qui il se découvre par une lumière infuse, et qui marchent sans peine en sa présence, comme ceux qui cheminent pendant la clarté d’un grand jour, à qui les objets sont présents sans aucune difficulté.

C’est le don que ce Dieu de toute bonté fait à ceux qui le servent en vérité, par un véritable renoncement à eux-mêmes, au monde, et à toutes les choses du monde. Il s’en est même trouvé qui ont eu ce don continuel : comme il est rapporté du saint Homme, le grand dévot de l’Immaculée Conception de la Mère de Dieu, le vénérable Frère Alphonse Rodriguez, Religieux de la Compagnie de Jésus, comme lui-même l’assura un jour à plusieurs Pères de sa Compagnie, qui, disputant un jour sur ce sujet, estimaient que cela n’était pas possible. Mais ce qui ne l’est pas dans la voie ordinaire, l’est bien extraordinairement, quand il plaît à Dieu d’en faire la grâce.


Ce divin Souverain qui en est le Maître, en dispose comme bon lui semble. Toujours est-il vrai que ceux qui le cherchent le trouveront. Ainsi, le Chrétien, qui, se servant de la Foi, s’applique de temps en temps à son adorable présence, peu à peu avec son secours en aura la sainte habitude, et souvent s’en souviendra.


Il ne faut donc pas borner l’Oraison dans l’espace de nos Églises. L’Apôtre voulait qu’on priât Dieu en toutes sortes de lieux. Tout le monde, dit Saint Cyprien, est le Temple de la Divinité ; dans toute son étendue, l’on y trouve la société des trois Personnes divines de la suradorable Trinité, nous avons donc partout une belle compagnie. Que personne donc ne se plaigne de sa solitude.

Que les Religieuses pensent à cette importante vérité, et leur retraite n’aura plus rien de rebutant pour elles ; et ce leur sera une peine d’aller aux parloirs. Les premières carmélites de la réforme de saint Thérèse, assuraient que ce leur était une espèce de martyre, quand elles étaient obligées de s’y rendre ; et leur grand soin était d’en sortir au plutôt. Que les pauvres, et les autres personnes délaissées se consolent, puisqu’elles ont avec elles ces Personnes divines qui font tout le bonheur du Paradis.

Ô si elles savaient le don de Dieu ! Il est aisé de se passer des créatures quand on a le Créateur. Comment après cela désirer avec empressement la conversation des hommes, ou se plaindre d’en être privé ?

(Dieu présent partout, par M. H-M Boudon)

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