La pyramide de Maslow, ou « pyramide des besoins », est-elle compatible avec la doctrine catholique ?

Avant de détailler la théorie psychologique à l’origine de cette représentation pyramidale des besoins, il est intéressant de noté qu’Abraham Maslow, son concepteur, était d’origine juive, et par conséquent imprégné de la vision judaïque de la spiritualité. Il est, de plus, considéré et reconnu comme le père d’une approche humaniste de la psychologie. Nous y reviendrons en détail un peu plus loin.

Cette théorie, formulée dans les années 40, estime que les besoins élémentaires (physiologiques et de sécurité) étant satisfaits, la personne cherche ensuite à satisfaire les autres besoins d’ordre supérieur de façon à alimenter sans cesse ses motivations. Un besoin d’ordre supérieur ne peut alors être satisfait que si les précédents le sont, au moins partiellement.

Cette hiérarchie est généralement représentée sous la forme d’une pyramide qui, de la base au sommet, distingue cinq niveaux de besoins :

  1. à la base, les besoins physiologiques (tels que la faim, la soif) ;
  2. ensuite, les besoins de sécurité et de protection (tels que le désir d’un toit ou d’une bonne assurance). Ces deux aspects assurent la survivance physique d’une personne ;
  3. puis viennent les besoins d’appartenance, besoins sociaux qui reflètent la volonté de faire partie d’une famille, d’un groupe, d’une tribu ;
  4. ensuite arrivent les besoins d’estime de soi (qui permettent de se regarder dans le miroir le matin) pour les besoins psychologiques ;
  5. enfin, apparaissent au sommet de la hiérarchie, les besoins de s’accomplir.

Vers la fin de sa vie, Abraham Maslow ajouta un dernier niveau à la pyramide des besoins, qu’il appela self-transcendence que l’on pourrait traduire par « dépassement de soi-même » ou encore « transcendance de Soi ». Une « transcendance » qui peut prendre des formes diverses, dont celle du sacré, divin, finalement de « dieu »,  même si ce n’est qu’un dieu minuscule, toujours humain, ou « métahumain » comme il dit, donc une transcendance plus immanente que réellement transcendante.

«Je considère que la psychologie Humaniste de Troisième Force n’est qu’une transition, une préparation pour une psychologie “supérieure”, une Quatrième Psychologie, transpersonnelle, transhumaine, centrée dans le cosmos plutôt que sur les besoins et les intérêts humains, allant au delà de l’humain, de l’identité, de l’auto-réalisation, et ainsi de suite».

Maslow avait donc une vision cosmique de la spiritualité, c’est-à-dire un monisme métaphysique (L’univers, ou Cosmos, est Un et forme un tout, dont la divinité est une composante interne et commune à l’ensemble). C’est une vision kabbaliste de la spiritualité, qui peut alors s’expliquer par ses origines juives. En effet, les juifs pratiquent aujourd’hui une religion talmudique, plaçant la réussite et leur accomplissement personnel au centre de leur vie, attendant le messie que leurs actions feront venir.

C’est également une vision gnostique de la spiritualité, c’est-à-dire réservée à une élite et nécessitant une initiation. On retrouve cette vision gnostique dans l’islam, Le judaïsme, le bouddhisme, le yoga, le taoïsme, le chamanisme, etc. Mais aussi chez les franc-maçons et les Rose-Croix, à l’origine de l’humanisme moderne, et à qui nous devons les droits de l’homme, véritable religion qui déifie l’homme en le plaçant au centre et au sommet de toutes choses.

Cette pyramide des besoins, et l’accomplissement total de l’être que cela nécessite, faisait dire à Maslow que le dernier stade était une sorte de quête, difficile, voire impossible à atteindre pour la plupart des gens.

Alors, à la lumière de la doctrine catholique et des Évangiles, cette quête est-elle vraiment impossible, la rendant finalement vaine pour la majorité des gens ? Et cette transcendance n’est-elle réellement atteignable que lorsque tous les autres besoins sont en partie ou en totalité satisfaits ?

Pour appuyer notre réflexion, et nous conduire vers la réponse, nous allons nous appuyer sur un sermon de Jésus-Christ, cité dans l’évangile selon Saint Matthieu :

«  Nul ne peut servir deux maîtres, car ou bien il détestera l’un et aimera l’autre, ou bien il sera dévoué au premier et méprisera le second. Vous ne pouvez servir Dieu et l’Argent. C’est pourquoi je vous dis : ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez. Ni pour votre corps de quoi vous le vêtirez. La vie ne vaut-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que les vêtements ? Voyez ces oiseaux du ciel ; ils ne sèment ni ne moissonnent, ils n’amassent pas de provisions dans des greniers : c’est votre Père céleste qui les nourrit ; ne valez-vous pas beaucoup plus qu’eux ? D’ailleurs, qui de vous peut, à force d’inquiétude, ajouter à sa taille une seule coudée (comprendre : prendre du poids) ?

Quant aux vêtements, pourquoi vous inquiéter ? Observez les lis sauvages comme ils croissent : ils ne travaillent ni ne filent. Pourtant, je vous l’assure, le roi Salomon lui-même, dans toute sa gloire, n’a jamais été aussi bien vêtu que l’un d’eux ! Si Dieu habille ainsi cette plante des champs, vivace aujourd’hui et demain jetée au feu, combien plus prendra-t-il soin de vous, hommes de peu de foi ? Ne vous inquiétez donc pas et ne dites plus : « Que mangerons-nous ? » ou « Que boirons-nous ? » ou « Avec quoi nous habillerons-nous ? »

C’est là inquiétude de païens ; votre Père sait bien ce dont vous avez besoin.
Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et toutes ces choses vous seront données par surcroît.
Ne vous inquiétez pas pour le lendemain ; le lendemain se souciera de lui-même. A chaque jour suffit sa peine. »

Chemin du Carmel de Saint Jean de la Croix

Les besoins primaires ne sont donc pas niés dans la religion chrétienne, mais mis au second plan. Notre vie spirituelle doit être notre principale préoccupation. Le reste, c’est-à-dire les besoins corporels, matériels, sécuritaires, etc. viendra naturellement, et même par surcroît.

On passe ici d’une vision égocentrique à une vision théocentrique de la vie. C’est Dieu, ou la transcendance selon Maslow, que nous devons d’abord chercher en toute chose. C’est l’alpha et l’oméga, Dieu comme origine et finalité de toute chose, y compris de l’Homme, et non l’accomplissement de l’Homme pour et par lui-même. Parce que « nous ne sommes pas, selon la formule de Pierre Teilhard de Chardin, des êtres humains vivant une expérience spirituelle, nous sommes des êtres spirituels vivant une expérience humaine. »

La religion chrétienne s’exprime ainsi en tant que dualisme métaphysique, c’est-à-dire que Dieu est en dehors de sa création. Inutile donc de l’y chercher, sauf à travers son assistance et son Incarnation.

De plus, le message de Jésus-Christ est universel, il ne s’adresse pas uniquement à une élite, à des initiés, mais à tous sans distinction :

« Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme; car tous vous êtes un en Jésus-Christ. »

Et parce qu’il s’adresse d’abord aux enfants, aux pauvres, aux gens simples, même lorsque son message est destiné aux puissants, voir au Pape. Dieu qui s’est incarné dans une étable, loin des regards, des richesses et des honneurs, entouré seulement d’un bœuf et d’un âne.

Son message, et par conséquent sa religion, ne nécessite donc pas une vaine quête pour la majorité des gens. Il est offert à tous, sans la nécessité préalable d’un accomplissement de ses besoins personnels. Le témoignage de tant d’âmes revenues à la foi et métamorphosées, même lorsqu’elles étaient au plus bas dans leurs conditions de vies (pauvreté, drogue, alcool, etc.), est là pour le prouver chaque jour.

Abraham Maslow est quant à lui dans une négation du réel et de la nature profonde de l’Homme. C’est un schéma de pensée qui, à terme, détruit l’homme parce qu’il l’éloigne de ses aspirations réelles en focalisant toute son attention sur son corps au lieu de son âme. Comme si la santé du second dépendait de celle du premier, ce qui est absurde du point de vue de l’analyse critique et même du simple bon sens. Le soin de l’âme prend, lui, tout son sens lorsque nous ne refusons plus de considérer notre propre mort comme certaine dans sa réalisation mais incertaine dans sa temporalité.

Mais alors, d’où vient cette inversion des valeurs qui empêche tant de gens de concevoir, même sincèrement, la Vérité, préférant se fabriquer la leur ? Nous faisions référence, en début d’article, à certains courants de pensées ayant influencé Abraham Maslow dans l’élaboration de sa théorie. Monseigneur Gaume en tirait justement ces conclusions en 1856 dans son ouvrage sur la Révolution :

« Si, arrachant son masque, vous lui demandez : qui es-tu ? Elle vous dira :

Je suis la haine de tout ordre religieux et social que l’homme n’a pas établi et dans lequel il n’est pas roi et Dieu tout ensemble ; je suis la proclamation des droits de l’homme contre les droits de Dieu ; je suis la philosophie de la révolte, la politique de la révolte, la religion de la révolte ; je suis la négation armée ; je suis la fondation de l’état religieux et social sur la volonté de l’homme au lieu de la volonté de Dieu ! en un mot, je suis l’anarchie ; car je suis Dieu détrôné et l’homme à sa place (l’homme devenant à lui-même sa fin). Voilà pourquoi je m’appelle Révolution, c’est-à-dire renversement, parce que je mets en haut ce qui, selon les lois éternelles, doit être en bas, et en bas ce qui doit être en haut.

Nous pouvons maintenant saisir avec lui toute la portée et l’influence de ces courants de pensées, dont la pyramide des besoins est une des représentations, sur notre monde actuel : rejeter la nature de l’humanité telle qu’elle est, conduit nécessairement à une humanité artificielle, un transhumanisme. Les derniers remparts que constituait le christianisme étant levés, c’est un boulevard offert aux “élites” mondialistes qui œuvrent actuellement, pratiquement sans aucune résistance, à l’hégémonie de cette nouvelle humanité.

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One thought on “La pyramide de Maslow, ou « pyramide des besoins », est-elle compatible avec la doctrine catholique ?

  1. Bonjour et bravo pour cet excellent article.
    Il y a quelques années, perdue et désemparée au point d’avoir été séduite par le sentiment que je pouvais “contrôler ma vie” tant j’étais angoissée, je me suis formée en psychologie. La pyramide de Maslow est l’un des premières choses que j’ai mises en application, avant des formations multiples en PNL, analyse transactionnelle, thérapie systémique et bien d’autres…. jusqu’à croire en la pensée magique. Au final, j’étais en plein dans le new age, convaincue que l’on pouvait contrôler sa vie. C’était tellement rassurant, quelque part…

    Mais le Bon Dieu veillait…. Le Bon Dieu qui ne nous abandonne pas et nous attend toujours à un tournant de notre vie. Aujourd’hui, je cautionne totalement ce que vous avez écrit.

    Merci pour votre formidable travail. Que Dieu vous bénisse. En grande union de prières.

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