La semaine Sainte : pourquoi ne pas suivre la nouvelle Semaine Sainte approuvée par Pie XII ? -Abbé Damien Dutertre – (Mars 2023)


1) Les prêtres qui ont pris la décision de retourner aux rubriques codifiées par Saint Pie X, en
ignorant donc les dernières réformes introduites par Pie XII, Jean XXIII, et Paul VI, croient tous
fermement en l’autorité, l’infaillibilité, et l’indéfectibilité de l’Eglise, en particulier en matière de
liturgie. Ces prêtres sont même parmi les seuls aujourd’hui à défendre haut et fort cette doctrine.


2) Pie XII n’avait certainement pas l’intention de faire de ces réformes une étape vers la Nouvelle Messe. Par contre, c’était l’intention certaine de ceux qui ont été nommés par Pie XII et qui ont composé ces réformes. Il n’y a pas de doute là-dessus. Ils l’ont avoué ouvertement dans leurs mémoires (par exemple le franc-maçon Bugnini), et la chose est indéniable; il ne s’agit pas là de l’opinion privée de quelques prêtres. Paul VI mentionne lui-même les réformes de Pie XII comme une étape vers la Nouvelle Messe dans la constitution Missale Romanum par laquelle il la promulgue. Et l’idée n’est pas nouvelle en soi, puisqu’en 1955 la Sacrée Congrégation des Rites, sous Pie XII, dans le décret officiel de réforme du bréviaire et du missel, annonçait en effet cette réforme de 1955 comme une préparation temporaire à une future réforme plus extensive.


3) Ces réformes ne sont pas intrinsèquement mauvaises, a) ni en principe, car autrement l’infaillibilité aurait empêché Pie XII de les promulguer; et b) ni en fait, puisqu’on n’y trouve ni erreur ni hérésie.


4) Ces réformes n’étaient pas extrinsèquement mauvaises à l’époque (c’est-à-dire dans les circonstances) de Pie XII, a) ni en principe, car l’infaillibilité protège le Pape de promulguer une loi nuisible dans les circonstances du moment; et b) ni en fait, puisque personne n’était par ces réformes amené à perdre la foi.


5) Le point que maintiennent la plupart des prêtres non una cum (majorité qui donc n’observe pas la semaine sainte de Pie XII), c’est que ces réformes présentent, après la promulgation de la Nouvelle Messe, un réel danger potentiel: elles sont donc devenues « nuisibles » non pas intrinsèquement (impossible!), mais extrinsèquement, c’est-à-dire que leur utilisation peut être dangereuse en raison de leur connotation actuelle. Que l’on soit d’accord ou non avec nous sur ce fait, soulignons du moins que ce principe ne contredit pas l’infaillibilité. L’infaillibilité empêche que le Pape promulgue une discipline mauvaise intrinsèquement (en soi) et extrinsèquement (dans les circonstances du moment), mais l’infaillibilité ne dit pas que cette discipline ne peut pas devenir nuisible à l’avenir, par un changement de circonstances. Sans quoi on ne pourrait pas distribuer les sacrements aujourd’hui, puisque, avouons-le, tout notre apostolat enfreint la lettre du droit canonique pour mieux en garder l’esprit.


6) Revenons-en maintenant à la question centrale: ces réformes de Pie XII sont-elles vraiment devenues nuisibles dans et à cause des circonstances actuelles?

A cette question, certains répondent: non ; la majorité des prêtres non una cum que je connaisse répondent: oui.

Oui

a) en principe, quand on étudie les choses du point de vue théologique; et oui

b) en fait, puisque leur utilisation a vraiment enlevé le contraste beaucoup plus flagrant avec la nouvelle liturgie de Vatican II qu’auraient dû percevoir les prêtres et fidèles qui ont fini par se rallier, pensant que la Nouvelle Messe était essentiellement la même chose que la Messe Tridentine; et puisque les changements mis en place ontaujourd’hui une connotation hérétique. Je souligne en passant que ceux qui utilisent la « forme extraordinaire de la Messe » ont récemment demandé et obtenu de pouvoir utiliser la Semaine Sainte de Saint Pie X, justement dans le but de s’éloigner autant que possible de tout ce qui ressemble de près ou de loin à la Nouvelle Messe, et de tout ce qui, actuellement, a une connotation moderniste.

7) Revenons rapidement sur la question de principe. D’abord: la chose est-elle possible? Oui: une loi disciplinaire bonne en général peut devenir mauvaise dans certaines circonstances (non pas que la loi
devienne intrinsèquement mauvaise, mais plutôt de façon extrinsèque, c’est-à-dire que son observation devient nuisible). C’est le cas de beaucoup de lois aujourd’hui, qui nous empêcheraient de donner les sacrements. C’est d’ailleurs un principe fondamental de droit canonique: une loi n’oblige plus quand son observation devient mauvaise. Ce principe est reconnu et commenté par les canonistes, qui n’y ont jamais vu une objection à l’infaillibilité de l’Eglise en matière de discipline et de liturgie. On ne peut donc pas nous contredire sur le principe lui-même.


8) Revenons maintenant sur le fait: la chose s’est-elle produite dans le cas particulier qui nous
préoccupe? Les réformes liturgiques promulguées par Pie XII sont-elles devenues nuisibles dans les
circonstances actuelles? Je le pense. Pourquoi? Parce que ces réformes présentent de nombreux
éléments, que l’on retrouve occasionnellement (ce qui est catholique) dans les réformes de Pie XII,
et que l’on retrouve à outrance, et surtout, avec une intention hérétique (ce qui n’est plus catholique) dans la Nouvelle Messe. L’intention hérétique donnée à ces éléments (tels que la plus grande participation des laïcs, et l’utilisation du vernaculaire) dans la Nouvelle Messe a attaché aujourd’hui à ces éléments cette connotation hérétique. Est-ce que Pie XII avait une intention hérétique? Absolument pas. Est-ce que la Nouvelle Messe qui reprend ces changements, à plus forte dose, a une intention objective hérétique? Oui (voir notamment la définition hérétique de la messe donnée par la première édition du Novus Ordo Missae de Paul VI). A cause de cette connotation, nous pensons qu’il est prudent de ne pas utiliser ces réformes. La chose est d’ailleurs grandement aggravée par le fait que les architectes de ces réformes de Pie XII se sont efforcés de leur attribuer cette connotation hérétique, que Paul VI a officiellement promulgué la Nouvelle Messe comme une continuité des réformes commencées par Pie XII, et que Pie XII lui-même avait effectivement annoncé des réformes futures. Cette connotation existe donc aujourd’hui, qu’on le veuille ou non.


9) A ceci s’ajoute le fait, très important, que ces réformes n’étaient plus, de fait, la dernière loi en vigueur. Beaucoup de gens pensent que les réformes de Pie XII se cantonnent à la Semaine Sainte. En réalité elles concernent aussi le missel et le bréviaire, et ont des conséquences profondes et quotidiennes pour le clergé. Or le décret de réforme du bréviaire et du missel, de 1955, stipulait explicitement que son obligation cesserait dès l’apparition de la prochaine réforme, ce qui est d’ailleurs arrivé avec Jean XXIII (Cf. Cum hac nostra aetate, du 23 mars 1955).


10) Enfin, suivre le principe du dernier vrai Pape crée plus de problèmes qu’il n’en résout. En effet, on se retrouve dans ce cas à devoir imposer aux catholiques comme un absolu incontestable la date exacte du début de la vacance du siège, et à imposer arbitrairement le rejet complet de principes de suppléance éventuelle que des théologiens approuvés appliquent pourtant au cas hypothétique d’un pape putatif. Si, en effet, on dit que abandonner les rubriques de Pie XII est un attentat à l’autorité et l’indéfectibilité de l’Eglise, devrait-on en conclure que l’Eglise universelle ait fait défection quand les rubriques de Pie XII furent abandonnées universellement en faveur de celles de Jean XXIII? C’est impossible. — On en conviendra, le problème est plus complexe qu’il n’y paraît au premier abord.

*En 2019, en réponse à un courriel, l’abbé Damien Dutertre avait rapidement écrit un résumé des points de l’argumentation qui pousse nombre de prêtres non una cum à revenir à l’utilisation des rubriques de Saint Pie X, et à ne pas tenir compte des réformes liturgiques introduites sous Pie XII. Cette réponse succinte eût du succès par sa brièveté, et fut bientôt partagée. En prenant récemment conscience, monsieur l’abbé a décidé de retoucher quelque peu cette réponse pour la rendre un peu plus formelle et plus complète, tout en veillant à ne pas dépasser la double-page, format d’usage facile et pratique qui lui avait valu sa popularité.

Ce résumé se veut un simple aperçu des données en jeu dans l’examen de cette question, et présuppose des études bien plus étoffées, qui approfondissent dans le détail les changements liturgiques que comportaient ces réformes, et qui explicitent les principes théologiques et canoniques, qui ne sont que brièvement mentionnés dans ce bref aperçu, qui justifient un retour aux rubriques de établies par saint Pie X.

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