Le refus de l’infinie miséricorde : l’enfer – Le Saint Curé d’Ars

L’enfer est un lieu de tourments où les méchants irréductibles, qui se sont détournés de Dieu et sont morts en état de péché mortel sans repentir, sont pour toujours séparés de Dieu, et endurent avec les démons des tourments qui ne finiront jamais. Si la pensée du ciel est réjouissante, celle de l’enfer est au contraire terrifiante. Personne ne prend plaisir à s’y arrêter. Pourtant, la pensée de l’enfer est salutaire pour tous.
L’Évangile, la tradition et les maximes des saints nous l’enseignent. La pensée de l’enfer peut aider les âmes à tenir le péché à distance, et à vivre sans compromission avec lui. Un grand nombre de saints ont trouvé dans la méditation sur l’enfer, soit une grâce de conversion, soit un stimulant à une plus haute perfection, pour leur salut éternel et celui de leurs frères.
« La prédication des premières vérités de la foi et des fins dernières, dit Pie XII, non seulement n’a rien perdu en nos jours, de son opportunité, mais elle est devenue plus que jamais nécessaire et urgente, même la prédication sur l’enfer. Sans doute, il faut traiter ce sujet avec dignité et sagesse. Mais, quant à la substance de cette vérité, l’Église a devant Dieu et devant les hommes, le devoir sacré de l’annoncer, de l’enseigner, sans aucune atténuation, telle que le Christ l’a révélée, et il n’y a aucune circonstance de temps qui puisse diminuer la rigueur de cette obligation. Elle lie en conscience chaque prêtre, auquel dans le ministère ordinaire ou extraordinaire, est confié le soin d’instruire, d’avertir et de guider les fidèles. Il est vrai que le désir du ciel est un motif en soi plus parfait que la crainte des peines éternelles ; mais il ne s’ensuit pas que ce soit pour tous les hommes le motif le plus efficace, pour les retenir éloignés du péché et pour les convertir à Dieu ». Il est certain qu’il faut aller à Jésus par l’amour. « La crainte, dit l’auteur inspiré, est le commencement de la sagesse » (Si. 1,14)
Tout l’Évangile est rempli de l’idée de lutte entre le bien et le mal, entre la foi et l’incrédulité, entre la lumière et les ténèbres, mais aussi, à tous les tournants apparaissent les deux perspectives finales de l’humanité : le ciel, pour ceux qui auront fait le bien ; l’enfer, pour ceux qui auront fait le mal.
Aux pharisiens et aux sadducéens, saint Jean-Baptiste s’adresse en ces termes « Déjà la cognée se trouve à la racine des arbres : tout arbre qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu. Moi, je vous baptise dans l’eau, pour vous amener à la conversion. Mais celui qui vient après moi est plus fort que moi, et je ne suis pas digne de lui retirer ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et dans le feu ; Il tient la pelle à vanner dans sa main. Il va nettoyer son aire à battre le blé, et Il amassera le grain dans son grenier. Quant à la paille, Il la brûlera dans un petit ne s’éteint pas » (Mt. 3,10-12 ; cf. Dan. 12,2 ; Sag. 4,19).

Jésus appelle l’enfer « la géhenne » (Mt. 5,29) ; « géhenne de feu » (Mt. 5,22) « géhenne où le ver ne meurt pas et le feu ne s’éteint pas » (Mc. 9,46) ; « feu éternel » (Mt. 25,41) ; « peine éternelle » (Mt. 25,46).
Il y aura « des ténèbres » (Mt. 8,12), « des pleurs et des grincements de dents » (Lc. 13,28).
Les paraboles qui annoncent le bonheur du ciel affirment aussi, par opposition, les châtiments de l’enfer. C’est l’ivraie qui est, au moment de la moisson, liée en bottes pour être brûlée (Mt. 13,30) ; les mauvais poissons qui sont rejetés à la mer (Mt. 13,47) ; c’est le convive dépourvu de la tenue de noce, qui n’a pas de place au festin, mais est rejeté dans les ténèbres (Mt. 22,12-13) ; ce sont les vierges étourdies qui, ne s’étant pas soucié de préparer la venue de l’époux, sont repoussées par cette parole : « Je ne vous connais pas » (Mt. 25,12) ; c’est le serviteur mauvais et paresseux qui n’a pas voulu faire fructifier le talent confié par le Maître, et qui est jeté dehors dans les ténèbres, là où sont les pleurs et grincements de dents (Mt. 25,26-30) ; C’est le mauvais riche, éternellement tourmenté dans la flamme, par manque de charité, pour ne s’être pas soucié du pauvre Lazare (Lc. 16,19-31).
Le sort des damnés est si terrible, qu’en face de lui, il n’y a pas de sacrifice sur terre qui puisse compter : « si ton œil t’entraîne au péché, dit Jésus, arrache-le. Il vaut mieux entrer borgne dans le Royaume de Dieu que d’être jeté avec tes deux yeux dans la géhenne, là où le ver ne meurt pas et où le feu ne s’éteint pas » (Mc. 9,43-48). « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, mais ne peuvent pas tuer l’âme ; craignez plutôt celui qui peut faire périr dans la géhenne l’âme aussi bien que le corps » (Mt. 10,28).
Au jugement dernier, Notre Seigneur dira aux réprouvés : « Allez-vous en loin de Moi, maudits, dans le feu éternel préparé pour le démon et ses anges » (Mt. 25,41).
L’enseignement de Jésus relatif à l’enfer, se retrouve dans l’enseignement des apôtres. « Le Seigneur Jésus se révélera du haut du ciel, dit saint Paul, avec les anges de sa puissance, au milieu d’une flamme brûlante, et il tirera vengeance de ceux qui ne connaissent pas Dieu, et de ceux qui n’obéissent pas à l’Évangile de Notre Seigneur Jésus-Christ. Ceux-là seront châtiés d’une perte éternelle, éloignés de la face du Seigneur et de la gloire de sa force » (2 Thess. 1,8-9). Dans l’Apocalypse, il est écrit : « Les lâches, les renégats, les dépravés, les assassins, les impurs, les sorciers, les idolâtres, bref tous les hommes de mensonge, leur lot se trouve dans l’étang brûlant de feu et de soufre, c’est la seconde mort » (Ap. 21,8). « Et la fumée de leur supplice s’élève pour les siècles des siècles » (Ap. 14,11).
L’enfer a donc été préparé pour le diable et les mauvais anges, qui y subissent éternellement la peine de leur péché d’orgueil et de révolte contre Dieu. Et les âmes humaines, qui quittent leur corps en état de péché mortel, sans aucun repentir, sans aucun recours à la Miséricorde divine, vont dans ce lieu de tourments et sont privés pour toujours de la vue de Dieu, et endurent avec les démons des souffrances qui ne finiront jamais.
Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive (cf. Ez. 18,23 et 32). « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité », dit saint Paul (II Tim. 2,3). Dieu est Amour et veut être aimé de ses créatures. Mais l’Amour ne s’impose pas. Dieu en fait un devoir, Il le demande. Il l’attend, mais il ne le force pas. Dieu a créé les hommes intelligents et libres, comme ses anges et comme les anges, ils sont libres, ou bien de se donner à Dieu pour une communion de vie dans l’Amour, et par là ils font leur propre bonheur, ou bien de se retirer de Dieu, pour une vie d’égoïsme qui est une mort éternelle, et par là ils font leur propre malheur.
Le mauvais usage de la liberté est possible. L’homme peut à ses risques et périls, jeter à la face de Dieu trois fois Saint, le cri de « Non serviam », je ne servirai pas. Il peut se détourner de son Créateur et père qui est Tout, pour s’attacher d’une manière désordonnée à des biens créés et au fond, remplacer Dieu par l’idole de son « moi » égoïste et orgueilleux. « Dans le réprouvé, dit le cardinal Billot, le moi est érigé en fin dernière de l’existence : le moi à satisfaire, même au mépris de Dieu, de sa Loi, de ses commandements ; le moi constitué maître et Seigneur au lieu et place de Celui qui nous avait créés pour le louer, le révérer et le servir ».
Ainsi, l’homme peut délibérément se refuser à l’amour de son Créateur. Mais son choix engage pour l’éternité. Si jusqu’à sa mort, le pécheur s’obstine et s’endurcit dans son refus, sa volonté dernière sera ratifiée pour l’éternité. L’homme qui choisit de vivre sans Dieu, séparé de Dieu, demeurera dans l’état qu’il aura choisi. Il vivra éternellement séparé de Dieu, ravalé dans son moi perverti, identifié avec le mal, totalement voué et asservi à Satan.
L’enfer, c’est la conclusion d’un état de fait où le pécheur s’est lui-même placé. Le coupable lui-même signe sa propre condamnation. C’est par sa propre volonté qu’il est conduit en enfer, et non par la Volonté de Dieu. En le damnant, Dieu ne fait que ratifier sa propre décision. « Ma fille, disait un jour Notre Seigneur à sainte Rose de Lima, Je ne condamne que ceux qui veulent être condamnés ».
La peine principale et essentielle de l’enfer, c’est la privation de Dieu ; on l’appelle la peine du dam. Dieu est la fin dernière de l’homme. C’est vers Lui que, par destination originelle, il tend de toutes les fibres de son être. Mais la décision irrévocable du damné l’en tient éloigné à jamais. « Être séparé du Bien unique, être privé de ce qui est tout et de ce que rien ne remplace, garder en soi un désir inextinguible de vie, d’amour, de bonheur, et ne trouver que le vide, la torture d’une faim, d’une soif éternelles, voilà le sort du réprouvé » (Mgr d’Hulst). En chassant Dieu, le pécheur endurci et non repentant a chassé l’Amour et la possibilité d’aimer, car tout est néant, hormis Dieu. On doit donc appliquer au damné, la définition que sainte Thérèse d’Avila a donnée du démon lui-même : « Celui qui n’aime pas ». L’enfer, c’est de ne pas aimer.
Et en enfer, le damné est dans un désespoir sans issue. Il comprend que par sa faute, il a tout perdu et pour toujours. Sa conscience lui rappelle ses fautes nombreuses et leur gravité, son ingratitude après tous les bienfaits reçus de Dieu, enfin son impénitence finale qui a mis le comble à sa culpabilité. Le damné souffre d’un perpétuel remords, qui a été comparé par Notre Seigneur à un ver rongeur. Et le damné est possédé par une haine si grande, qu’il ne peut vouloir désirer aucun bien. Son âme est fixée dans la haine. Elle est obstinée dans le mal qu’elle porte en elle, en se rongeant elle-même.
L’enfer est aussi la collectivité des réprouvés, la compagnie des démons, la vue épouvantable de Satan. C’est l’effroyable envers de la communion des saints dans la Cité céleste. Il est le déchirement de la haine de tous contre tous. Tandis que les élus, s’aiment mutuellement comme les enfants de Dieu, et accroissent ainsi leur bonheur, les damnés, en enfer, se haïssent les uns les autres, d’une haine continuelle qui divise cruellement. En enfer, il n’y a pas d’amour. Cité de la haine éternelle, ou pas un bon sentiment ne s’élèvera jamais pour un damné quelconque, où tous seront toujours dans le milieu le plus abject et le plus antipathique qu’on puisse imaginer. Le damné est à jamais hors de la Cité éternelle, dont le lien est l’amour.
Avec la peine du dam, il y a la peine du sens, c’est-à-dire le châtiment par un feu mystérieux, mais réel, un feu éternel. La sainte Écriture parle souvent du feu de l’enfer auquel sont livrés les damnés. Par divine Justice, Dieu permet que ce feu les châtie de peines très grandes, et de différentes manières, suivant la diversité de leurs péchés, plus ou moins suivant la gravité de la faute.
Ainsi, la méditation sur l’enfer fait apparaître dans toute sa profondeur le mal du péché. Car l’enfer sort du péché comme la plante sort de la graine. L’enfer, c’est le péché déployant toutes ses conséquences. Et l’attitude révoltée du damné, son déchirement intérieur, sont notre solitude ne sont que la pleine manifestation de l’égoïsme et de l’orgueil présents dans le péché mortel.
Que la pensée de l’enfer soit pour nous un moyen efficace de lutter contre les tentations, un stimulant à nous sanctifier davantage, à nous donner plus totalement à Dieu, et à répondre plus fidèlement à son Amour.
Que la pensée de l’enfer stimule aussi notre dévouement apostolique. Dans le livre de sa vie, sainte Thérèse d’Avila fait le récit de sa vision sur l’enfer et elle termine sa description par ces mots : « Cette vision m’a procuré une douleur immense de la perte de tant d’âmes… Elle m’a procuré aussi les désirs les plus ardents d’être utile aux âmes. Il me semble en vérité, que pour en délivrer une seule de si horribles tourments, je souffrirais très volontiers mille fois la mort. Je ne sais comment nous pouvons vivre en repos, quand nous voyons tant d’âmes que le démon entraîne avec lui en enfer ». De même, que la pensée du sort affreux des damnés, nous incite à faire tous nos efforts pour sauver nos frères, en les attachant au Christ, notre Unique Sauveur.
À Fatima, la Très Sainte Vierge Marie enseigna aux trois enfants cette courte prière, à après chaque dizaine de chapelet « Ô mon Jésus, pardonnez-nous nos péchés, préservez-nous du feu de l’enfer, conduisez au ciel toutes les âmes, et secourez spécialement celles qui ont le plus besoin de votre miséricorde ».
« Dieu dira aux réprouvés : « Allez, maudits !… » -Maudits de Dieu ! Quel horrible malheur ! Comprenez-vous ? maudits de Dieu !… de Dieu qui ne sait que bénir ! maudits de Dieu, qui est tout amour ! maudits de Dieu, qui est la bonté même ! maudits sans rémission ! maudits pour toujours, maudits de Dieu !
Si un damné une seule fois pouvait dire une seule fois : « Mon Dieu, je Vous aime ! » Il n’y aurait plus d’enfer pour lui… Mais, hélas !…
Ce n’est pas Dieu qui nous damne, c’est nous, par nos péchés. Les damnés n’accusent pas Dieu, ils s’accusent eux-mêmes. Ils disent : « J’ai perdu Dieu, mon âme et le ciel par ma faute. » »
Le Saint Curé d’Ars

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