L’ingérence des Papes dans les affaires temporelles

— 1° Exposé des faits.

L’histoire nous témoigne que, au moyen âge, les Papes se sont considérés comme les chefs suprêmes des États chrétiens, qu’ils ont revendiqué le droit de citer à leur tribunal souverains et sujets, et qu’ils ont infligé aux princes scandaleux, non seulement des peines spirituelles telles que l’excommunication, mais même des peines temporelles en les déposant et en les privant de leurs droits de commander.

Ainsi Grégoire VII (le moine Hildebrand), célèbre par sa lutte dans la Querelle des Investitures, excommunia une première fois l’empereur d’Allemagne, Henri IV, qui ne voulait pas se laisser dépouiller du droit de 1’investiture, le réduisit à venir, s’humilier devant lui au château de Canossa (1077) et l’ex­communia une seconde {ois (1078) parce qu’il ne tenait pas ses promesses. Innocent III (1198-1216) obligea Philippe-Auguste à reprendre sa femme Ingeborg ; en Angleterre, il déposa Jean sans Terre, puis le rétablit sur le trône ; en Allemagne, il excommunia Othon IV et délia ses sujets du serment de fidélité. Innocent IV, au concile de Lyon (1245), déposa Frédéric II, empereur d’Allemagne. Boniface VIII (1294-1303) lutta, pendant toute la durée de son pontificat, contre le roi de France, Philippe le Bel. Comme ce dernier, toujours à court d’argent, voulait imposer le clergé à son gré, sans tenir compte des immunités ecclésiastiques (N° 422, n.), le Pape dans sa bulle « Clericis laicos», rappela la doctrine de l’Église et interdit aux clercs de payer le tribut aux puissances laïques.

Sur la demande du clergé français lui-même, il accorda ensuite l’autorisation. Mais la lutte recommença bientôt et Boniface VIII publia contre Philippe le Bel une série de bulles, entre autres, la bulle « Ausculta, filin, dans laquelle il se disait « constitué au-dessus des rois et des royaumes!, et la bulle « Unam Sanctam », dans laquelle, après avoir rappelé l’unité de l’Eglise, il déclarait que « ce corps unique ne doit pas avoir deux têtes, mais une seule, le Christ et le Vicaire du Christ », que deux glaives sont au pouvoir de l’Église, un spirituel, et un matériel, que « le premier doit être manié par l’Église, le second pour l’Église, le second devant être soumis au premier, le pouvoir spirituel doit juger le pouvoir temporel si celui-ci s’égare. Enfin Boniface VIII excommunia Philippe le Bel le 13 avril 1303.

— 2° Accusation. — Les ennemis de l’Église accusent les papes d’avoir outrepassé leurs droits et d’avoir revendiqué un pouvoir illégitime.

— 3° Réponse. — A. L’intervention des papes dans les affaires temporelles des États chrétiens n’était pas illégitime : elle ne constituait nullement, de leur part, un abus de pouvoir.

Les papes avaient le droit d’intervenir à un double titre :

a) Tout d’abord en vertu de leur pouvoir indirect sur les choses temporelles dont nous avons précédemment démontré l’existence (N° 436). « Le pouvoir spirituel, dit Bellarmin, ne s’immisce pas dans les affaires temporelles, à moins que ce3 affaires ne s’opposent à la fin spirituelle ou ne soient nécessaires pour l’obtenir : auxquels cas le pouvoir spirituel peut et doit réprimer le pouvoir temporel et le contraindre par toutes les voies qui paraîtront nécessaires. » Lorsque les Papes précités ont frappé les princes qui abusaient de leurs pouvoirs, non seulement de peines spirituelles comme l’excommunication, mais même de peines temporelles comme la déposition, ils ont donc agi en vertu du pouvoir spirituel attaché à leur charge suprême et du pouvoir indirect sur les choses temporelles qui découle du pouvoir spirituel.

— b) En dehors du droit divin dont nous venons de parler, le droit public du temps, reposant sur le libre consentement des peuples et des princes, légitimait l’intervention de la papauté dans les affaires temporelles. Rappelons-nous en effet que, en vertu de ce droit public, il y avait une alliance étroite entre l’Église et l’État, que le Pape était regardé comme le chef naturel de la chrétienté, à qui appartenait le droit de trancher les différends, et que le prince, avant de monter sur le trône, faisait serment de gouverner avec justice, de protéger la Sainte Église romaine, de défendre la foi contre l’hérésie, et de ne pas encourir lui-même l’excommunication. Que si alors le prince devenait parjure à son serment, s’il gouvernait contre les droits de l’Église ou contre les justes intérêts de son peuple, la papauté avait le droit et même le devoir de lui remettre devant les yeux les engagements sacrés qu’il avait pris, et en cas de refus, de l’excommunier, au besoin, de le déposer, et de déclarer ses sujets déliés de leur serment d’obéissance à l’égard d’un souverain indigne du pouvoir.

Donc non seulement l’intervention des papes dans les affaires temporelles n’était pas illégitime, mais il faut reconnaître combien elle fut heureuse et bienfaisante, tout à l’avantage des faibles et des opprimés. Durant cette rude époque de la féodalité où tout était livré au plus fort, seule l’Église avait assez de puissance pour rappeler aux rois et aux seigneurs qu’au-dessus de la force il y a le droit. La prérogative que les Papes revendiquaient de déposer les rois dont la conduite était scandaleuse, et de délier leurs peuples du serment de fidélité, bien loin d’être une usurpation ,du pouvoir spirituel sur le pouvoir temporel, lui servait au contraire de frein et de contrepoids. Quand le droit était violé et que la justice demeurait impuissante, il était bon qu’il y eût quelqu’un d’assez fort et d’assez indépendant pour prendre en main la cause de la morale et de la religion outragées.

Extrait du Manuel d’apologétique de M.l’abbé Boulenger de 1920

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