Portait des grands Français : Jean-Joseph Gaume

Monseigneur Jean-Joseph Gaume

MONSEIGNEUR JEAN-JOSEPH GAUME

Né en 1802 en Franche-Comté, mort à Paris en odeur de sainteté en 1879(1), Mgr Gaume a profondément marqué son siècle par ses nombreux travaux. Louis Veuillot s’étant marié à sa cousine, lui fera présider sa table, qui deviendra le point de rencontre régulier des ultramontains, c’est-à-dire des catholiques irréductibles, seuls vrais catholiques.

Mgr Gaume est un personnage clef du combat catholique au XIXè. Avec le Cardinal Gousset(2), son maître, avec le Cardinal Pie,(3) son ami, avec Louis Veuillot, son parent, avec Mgr Delassus(4), son continuateur, nous avons les cinq grands noms français catholiques qui ont permis de faire de leur siècle, le siècle de la réflexion, de l’étude et de la réaction.

Ces apôtres marquèrent l’élite catholique de leur temps, faisant de l’école antilibérale (qui commence à Mirari Vos en 1832, et finit à la mort de saint Pie X en 1914), la phalange la plus croyante, la plus fidèle aux enseignements de Pie IX et de saint Pie X, la plus combattante pour le Règne de Notre-Seigneur Jésus-Christ et la plus efficace contre les ennemis de l’Eglise.

Depuis, persécutés, enterrés(5), oubliés, ces auteurs sortent du tombeau. La crise conciliaire nous a obligé à chercher les causes de l’effondrement commencé il y a environ 40 ans. Tout cela ne s’est pas fait tout seul, sans personne et sans doctrine. Les travaux de la Société Barruel nous ont été d’un grand secours. Ce fut chez ces auteurs(6) que l’on découvrit que tout avait été annoncé, prophétisé, analysé.

S’ils ont su examiner profondément les vraies causes de tous nos maux, seuls ils ont enseigné les vrais remèdes. Vous comprenez pourquoi on nous les cache et pourquoi on promeut de nombreux auteurs dont la réflexion stérile ou insuffisante fabrique, depuis de nombreuses générations, des élites médiocres, courtes dans leurs connaissances et limitées dans leur courage.

Nos auteurs sont les anti-faux maîtres. S’ils sont connus et redoutés par nos ennemis qui les craignent, malheureusement nos troupes les ignorent. Ce fut un châtiment de les avoir perdus.

Une excellente(7) et très détaillée biographie, disponible, a été écrite récemment. Son auteur, l’abbé Daniel Moulinet ayant soutenu, le 14 mars 1992, une thèse de doctorat conjoint histoire des religions-sciences théologiques (Paris-IV-Sorbonne – Institut Catholique de Paris, directeurs : MM Jean-Marie Mayeur et Bernard Plongeron) a résumé dans son livre Les classiques païens dans les collèges catholiques ?, (près de 500 pages, éditions du Cerf, collection Histoire Religieuse de la France), ses différents travaux. Il sait faire partager aux lecteurs la vie passionnante de ce Maître unique.

On a limité Jean Joseph Gaume au combat des classiques païens. Il est permis de penser que ce ne fut pas innocent, essayant de le ridiculiser. Avec une telle caricature on a réussi à enterrer un saint prêtre qui fut surtout un catéchiste, LE CATÉCHISTE DES TEMPS MODERNES.

L’ayant redécouvert il y a plus de vingt ans, nous n’avons eu de cesse de rechercher tous ses livres, travail ingrat et obstiné, récompensé par l’admiration passionnée suscitée par chaque ouvrage, par chaque page.

Bien qu’ayant abordé de multiples sujets, Mgr Gaume est toujours un maître sûr, d’une culture classique et religieuse unique, d’une foi digne des apôtres, grand pédagogue, grand historien, ayant des vues prophétiques qui se sont avérées très justes, homme de méditation, d’une perspicacité rare, homme de courage et de combat, à la réflexion et au jugement toujours justes, et surtout, éducateur, L’ÉDUCATEUR(8)

 La Foi catholique est d’une nature telle qu’on ne peut rien lui ajouter, rien lui retrancher ; ou on la possède tout entière, ou on ne la possède pas du tout. Telle est la foi catholique : quiconque n’y adhère pas avec FERMETÉ ne pourrait être sauvé. (Symbole de saint Athanase). Pour refaire une chrétienté il faut refaire des chrétiens et c’est à son contact, à son enseignement que l’on comprendra, si nous savons le lire, méditer, appliquer ce qu’il enseigne, que l’on pourra changer nos formes de pensée et ensuite nos formes de vie. Il s’adresse à tous, clercs, laïcs, jeunes, adultes, vieillards, élites, responsables, cultivés, simples, modestes, époux, épouses, …à tous.

A la charnière de deux mondes, l’un qui disparaît, le monde chrétien, l’autre qui revient, le monde païen, il apprend l’ordre, l’ordre en tout, cet ordre qui permet la paix entre tous, paix dans les familles, paix dans les communautés, paix dans la vie sociale…

Loué par tous les Papes contemporains, il est l’auteur qui a reçu, au cours du XIXè, le plus de Brefs de félicitations et d’encouragements. C’est dire combien sa doctrine est fidèle et exemplaire. La conspiration du silence, arme favorite de nos ennemis, prouve combien il est craint. Que tout cela vous fasse réfléchir et vous amène à partager notre passion pour ce prélat.

Commencez par une petite brochure (à beaucoup diffuser), CREDO. Continuez par le TRAITÉ DU SAINT ESPRIT, ouvrage unique, qui vous permettra de comprendre le combat entre Notre-Seigneur et Satan : leurs buts, leurs pouvoirs, leurs troupes, leurs camps, leurs moyens. Ensuite les Catéchismes(9), la biographie du Bon Larron, les remarquables Biographies Évangéliques, La Révolution (en 12 tomes, la Somme sur le sujet), L’évangélisation Apostolique du globe, Où allons-nous ?

La vie n’est pas la Vie, La Situation, Les Trois Rome, etc., etc. Comme beaucoup vous finirez par tout lire car vous serez émerveillés par l’enseignement de la Vérité(10). Un conseil : ne lisez Le ver rongeur, son livre le plus connu et pourtant le moins diffusé(11), qu’après avoir lu Pie IX et les études classiques, et surtout l’important Du Catholicisme dans l’éducation.

Dans Le Testament de Pierre le Grand, Mgr Gaume nous annonce que : …l’Europe reverra donc Attila, Genséric, Alaric… Quand tout ce qui doit aller au glaive sera allé au glaive… sur les ruines de tout ce qui devait périr, apparaîtront debout, puissants comme le grain de sable contre les fureurs de l’Océan, les missionnaires de l’avenir.

Il y aura des Geneviève, des Léon, des Remy, devant qui s’arrêteront tout à coup les flots tumultueux des Barbares… Alors l’Église recommencera son œuvre. Elle se mettra à faire ce qu’elle fit autrefois, à tailler ces blocs de granit… pour en tirer des enfants d’Abraham… Ces nations… recommenceront, comme nos pères, un nouveau peuple de Dieu, une nouvelle société chrétienne (Moulinet p. 405).

A l’effondrement prochain (Je vomirai les tièdes) succédera le Règne du Sacré-Cœur, si souvent promis (Je régnerai malgré Mes ennemis), et pour ce Règne grandiose, il faut de grands chrétiens, qui ne seront formés que par ces grands maîtres. A l’heure de Dieu, leur redécouverte est miraculeuse et essentielle.

UN CLERGÉ SAINT FAIT UN PEUPLE PIEUX, UN CLERGÉ PIEUX FAIT UN PEUPLE HONNÊTE, UN CLERGÉ HONNÊTE FAIT UN PEUPLE IMPIE, écrivait Blanc de Saint-Bonnet. Avec Mgr Gaume, vous avez la possibilité de devenir vraiment pieux, de vivre dans la vraie Foi et de savoir transmettre cette Foi, au moment où trouver la vérité et un bon prêtre devient difficile.

QUE VOUS PROCURE LA FOI ? – LA VIE ÉTERNELLE. Ce doit être notre seul but : si nous avons gagné le Ciel, nous avons tout gagné, si nous avons perdu le Ciel, nous avons tout perdu.

Puissions-nous tous nous retrouver en compagnie de notre Reine, la Vierge Marie, Reine de France, à adorer et contempler la Très Sainte Trinité, à louer et remercier notre Divin Rédempteur, le Christ Roi de France ! Nous y retrouverons Mgr Gaume et pourrons le remercier pour ses travaux et l’aide qu’il nous a apportée pour le rejoindre dans la Céleste Patrie.

CREDO

Louis-Hubert REMY, Lecture et Tradition, n° 291, mai 2001

(1) Mgr Gaume mourut le 19 novembre, après une longue et cruelle maladie, durant laquelle il ne cessait de prier et de répéter : «Mon Dieu, ayez pitié de la France ; mon Dieu, ayez pitié de l’Église ; mon Dieu, ayez pitié de nous !» Il redisait aussi sans cesse la parole du Sauveur agonisant : Non mea voluntas, sed tua ! Elle lui était si familière qu’il la répétait encore quand la violence de la fièvre le tenait sous l’influence du délire. Au moment où il allait expirer, il sembla soudain reprendre un peu de force et s’écria : «Marie !» ses yeux s’illuminèrent, une sorte de sourire effleura ses lèvres et il essaya de se soulever comme pour contempler une vision. «Ah ! c’est elle», ajouta le vénérable mourant et sa tête retomba sur son oreiller. Son âme s’en alla avec la divine Mère, fidèle à celui qui s’était si pleinement confié à elle. La mort du vénéré prélat était une véritable perte non seulement pour ses amis, mais pour l’Eglise de France.

(2) Biographie par Mgr Fèvre, disponible aux Ed Saint-Rémi.

(3) Biographie, 2 vol., par Mgr Baunard, disponible aux Ed. Saint-Rémi.

(4) Tous les ouvrages de Mgr Delassus sont disponibles aux Ed. Saint-Rémi.

(5) L’abrégé du Catéchisme de Mgr Gaume a été édité à 900 000 exemplaires. On en trouve très rarement.

(6) Et les 200 autres, plus ou moins importants, plus ou moins féconds, mais jamais médiocres, qui constituent l’école antilibérale. Cette école dont on commence juste à parler, est peu connue, peu étudiée, les livres ayant pratiquement complètement disparus. L’équipe qui essaie de la sortir du tombeau, et qui se passionne à chaque découverte, est tellement imprégnée de cet antilibéralisme qu’elle reconnaît de suite les vrais des faux antilibéraux. Les vrais sont très peu nombreux et profondément agacés d’entendre et de lire de vrais libéraux, qui se croient et veulent faire croire, qu’ils sont anti-libéraux parce qu’ils ont trouvé quelques ouvrages que bien souvent ils n’ont pas lu ou mal lu.

Puisse une jeune génération travailler sérieusement sur ces grands auteurs, s‘en imprégner et continuer le travail commencé, qui est de savoir, de méditer, de vivre antilibéral, et ensuite de combattre tous les faux maîtres qui ont pollué les intelligences de nos contemporains.

Être antilibéral, c’est d’abord bien analyser le réel. Ensuite, être antilibéral ce n’est pas seulement enseigner la vérité, c’est aussi combattre l’erreur, c’est ne jamais composer, pactiser avec quelque erreur, aussi petite soit-elle, c’est ne jamais transiger avec la vérité. C’est AVOIR UN JUGEMENT SÛR, C’EST RÉPONDRE AUX QUES-TIONS : EST-CE VRAI ? EST-CE FAUX ? OÙ EST LA VÉRITÉ ? OÙ EST L’ERREUR ? L’erreur se transforme vite en mensonge (parler avec l’intention de tromper) et le mensonge engendre aussi sûrement la mort que la Vérité amène à la Vie. On le voit tous les jours dans le combat de la Foi.

(7) Il est évident que nous n’aurions pas écrit certaines lignes, que le lecteur saura rectifier, mais qui aurait été capable de faire ce travail aussi honnête et d’une telle qualité ? Le sujet a du inspirer l’auteur qui doit être félicité et encouragé. Puisse-t-il devenir antilibéral ! Remercions-le en priant pour lui que la Divine Providence, par les mérites de Mgr Gaume, en fasse un digne successeur dans l’enseignement et le combat de la vérité.

(8) Le sacerdoce catholique est l’extension du sacerdoce unique de Jésus-Christ. Mais l’acte essentiel après le sacrifice de la Croix est la prédication évangélique, a écrit un autre grand antilibéral, l’abbé Aubry, dans Contre le Modernisme, L’étude de la Tradition, le sens catholique et l’Esprit des Pères, Éd. Saint-Rémi, disponible. Ouvrage remarquable et merveilleux comme les autres ouvrages de ce même auteur, réédités par les mêmes éditeurs.

(9) L’abrégé ou surtout le Catéchisme de Persévérance (la Somme Théologique, lue par Mgr Gaume dès 1830, est citée 64 fois, Moulinet p. 50), que l’on étudiait à 15 et 16 ans. Certains prêtres, malheureusement, en savent moins. Vous comprenez pourquoi ils sont opposés à Mgr Gaume.

(10) Il est utile de savoir qu’il conseillait ses deux frères éditeurs qui ont publié 330 titres religieux, toujours excellents, dont la première édition de la Somme Théologique en français (8 vol.), rééditée par les Ed. Saint-Rémi.

(11) Édité à 2000 exemplaires il en restait encore à sa mort (Moulinet p. 446). Sur 100 personnes qui en ont parlé, il y en a 98 qui ne le connaissent que par ouï-dire : manière honorable de juger un ouvrage !

Source: http://www.a-c-r-f.com/documents/LHR_LT2001_Mgr-JJ-Gaume.pdf

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2 thoughts on “Portait des grands Français : Jean-Joseph Gaume

  1. Un grand Français ?

    Le franc-maçon Joseph de Maistre est l’idéologue essentiel pour qui veut comprendre l’actuelle situation de l’Église.

    Il ne fut pas quelqu’un qui, comme Mozart, entra dans les loges en croyant n’y trouver qu’une organisation charitative à la structure souple, mais un ésotériste au moins aussi important qu’Albert Pike. Je dis que de Maistre professait une apocatastase qui aboutirait à ramener tout le monde, et Lucifer avec, au Paradis ; et il le fit en dédouanant mensongèrement la franc-maçonnerie de sa responsabilité dans la révolution. On ne fait pas plus vénéneux que ses mensonges. Et il fut, hélas, le « grand architecte » des mouvements contre-révolutionnaires « ultras » (plus royalistes que le roi, plus papiste que le pape). Depuis, et par lui (et par Lamennais, et par Barbey d’Aurevilly, et par David / Paul Drach – tous « ultra-ultramontains », et souvent ultra-royalistes aussi), le catholicisme de France est altéré, et l’Église en meurt.

    https://catholiquedefrance.fr/considerations-sur-la-france-joseph-de-maistre/#comment-3315

    Voici maintenant des extraits d’une encyclopédie catholique datant de plus d’un siècle (The Catholic Encyclopedia, New York, Robert Appleton Company, 1914 ; imprimatur de Rémy Lafort, censor librorum de l’archidiocèse de New York ; article consultable sur le site StudyLight) :

    vivement frappé par la détérioration religieuse et morale de son temps, l’auteur [Jean-Joseph Gaume] cherche sa source lointane, et croit l’avoir trouvée dans la Renaissance, qui fut pour la société une résurrection du paganisme, prépara la voie pour la Révolution, et fut, en fin de compte, la source première de tout le mal. Telle est l’idée dominante des œuvres La Révolution (8 volumes, 1856) et Histoire de la société domestique (2 volumes, 1854). (…) Mais pour soigner les maux de la société il était nécessaire de concevoir une nouvelle méthode pour façonner les enfants et les jeunes gens ; ce devait consister en l’instruction du catéchisme et l’exclusion d’auteurs païens des études classiques.

    (…)

    Il avait indiqué la réforme, ou plutôt la révolution – le mot est de lui – qu’il déclarait nécessaire dans l’instruction classique dès 1835 dans son livre Le Catholicisme dans l’éducation, sans guère soulever de commentaires. Il revint à ce sujet en 1851 dans une œuvre intitulée Le Ver rongeur des sociétés modernes ou le paganisme dans l’éducation. La renommée de cet auteur, et plus encore le patronage de deux influents prélats – Mᵍʳ Gousset, aechevêque de Reims, et Mᵍʳ Parisis, évêque d’Arras – et par dessus tout les articles de Louis Veuillot dans L’Univers, qui soutint l’abbé Gaume dès le début, gagnèrent à ses vues une audience qu’il avait antérieurement échoué à obtenir, et provoqua une vigoureuse controverse parmi les catholiques. Après avoir montré que la formation intellectuelle des jeunes durant les premiers siècles de l’Église et tout au long du Moyen-Âge se faisait par l’étude d’auteurs chrétiens (ch. I-VI), [Jean-Joseph] Gaume entreprend de démontrer que le seizième siècle pervertit l’éducation à travers toute l’Europe par la substitution d’auteurs païens aux auteurs chrétiens. À l’appui de sa thèse, il avance le témoignage d’hommes (VIII-IX) et de faits (X-XXV), indiquant l’influence du paganisme classique dans la littérature, les discours, les arts, la philosophie, la religion, la famille et la société. Malgré une part de vérité, l’exagération de sa thèse était évidente. C’était la condamnation de la méthode à l’honneur dans l’Église depuis trois siècles ; les bénédictins, les jésuites, les oratoriens, le clergé séculier avaient eux-mêmes, sans opposition du Saint-Siège, fait des auteurs païens la base du curriculum dans leurs établissements. [Jean-Joseph] Gaume n’allait pas jusqu’à exclure les textes païens ; il leur accordait une certaine place dans les trois dernières années d’étude (les cours en comptaient huit), mais les supprimait des cinq premières années.

    Consulté par les professeurs de son petit séminaire, l’évêque d’Orléans, Mᵍʳ Dupanloup, leur adressa une lettre sur l’enseignement classique, dans laquelle il se déclarait résolument en faveur des normes et méthodes existantes, conservant ainsi les auteurs antiques au rang qu’ils avaient tenu jusqu’alors, mais en même temps attribuait une place importante à l’Écriture sainte, aux Pères [de l’Église] et aux auteurs modernes. Vivement attaqué par [Louis] Veuillot dans L’Univers, l’évêque [d’Orléans] répliqua en diffusant une lettre pastorale sur les classiques et plus particulièrement sur les interférences des journalistes laïcs dans l’administration des évêques, et concluait en enjoignant les professeurs de son petit séminaire à ne plus recevoir L’Univers. Alors la question devint plus brûlante ; des articles de journaux, des brochures, des pamphlets, même des livres se succédèrent sur cette question qui causait un choc général parmi les éducateurs. [Jean-Joseph] Gaume publia en soutien de sa thèse la Lettre sur le paganisme dans l’éducation. Pendant un temps il sembla que les diocèses étaient sur le point de se diviser. À ce stade Mᵍʳ Dupaloup rédigea une déclaration que signèrent quarante-six prélats. Elle comportait quatre points, dont deux traitaient des rapports du journalisme avec l’autorité des évêques, et deux de l’utilisation des classiques. On y declarait : (1) que l’emploi de classiques de l’Antiquité dans les écoles secondaires, quand ils étaient convenablement choisis, soigneusement expurgés, et expliqués d’un point de vue chrétien, n’était ni mauvais ni dangereux ; que, néanmoins, l’utilisation de ces classiques de l’Antiquité ne devait pas être exclusive, mais qu’il était utile d’y d’y adjoindre dans une bonne mesure, comme cela se faisait généralement dans tous les établissements dirigés par des clercs, l’étude et l’explication d’auteurs chrétiens. L’abbé Gaume et ses partisans ne perdirent pas de temps à ramener leurs demandes à ces trois points-ci : (1) qu’on expurgeât plus complètement les auteurs païens ; (2) qu’on introduisît davantage d’auteurs chrétiens ; (3) qu’on enseignât chrétiennement les auteurs païens. Néanmoins il fallut des instructions de Rome pour mettre un terme à cerre controverse.

    [vividly struck by the religious and moral deterioration of his age, the author seeks its remote cause, and believes he finds it in the Renaissance, which was for society a resurrection of the paganism of antiquity, prepared the way for the Revolution, and was, in fine, the primal source of all the evil. Such is the dominating idea of the works « La Révolution » (8 vols., 1856) and « Histoire de la societé domestique » (2 vols., 1854). (…) But to cure the ills of society it was necessary to devise a new method of moulding childhood and youth; this was to consist in catechetical instruction and the exclusion of pagan authors from classical studies.

    (…)

    The reform, or rather the revolution — the word is his — which he deemed necessary in classic instruction he had indicated as early as 1835 in his book « Le Catholicisme dans l’éducation », without arousing much comment. He returned to the subject in 1851 in a work entitled « Le Ver rongeur des sociétés modernes ou le Paganisme dans l’Education ». The renown of the author, still more the patronage of two influential prelates — Mgr. Gousset, Archbishop of Reims, and Mgr. Parisis, Bishop of Arras — and above all the articles of Louis Veuillot in « L’Univers », which supported Abbé Gaume from the first, gained for his views a hearing which they had previously failed to secure, and provoked a lively controversy among Catholics. After having shown that the intellectual formation of youth during the first centuries of the Church and throughout the Middle Ages was accomplished through the study of Christian authors (ch. i-vi), Gaume proceeds to prove that the Renaissance of the sixteenth century perverted education throughout Europe by the substitution of pagan writers for Christian authors. In support of his thesis, he brings forward the testimony of men (viii-ix) and of facts (x-xxv), indicating the influence of classical paganism on literature, speech, the arts, philosophy, religion, the family, and society. Despite a proportion of truth, the exaggeration of his thesis was evident. It was the condemnation of the method held in honour in the Church for three centuries; Benedictines, Jesuits, Oratorians, the secular clergy themselves had, without opposition from the Holy See, made the pagan authors the basis of the curriculum in their colleges. Gaume did not go so far as to exclude the pagan texts; he allowed them some place in the three highest classes (the course comprised eight), but banished them from the first five years.

    Consulted by the professors of his petit séminaire as to the course to pursue, the Bishop of Orléans, Mgr. Dupanloup, addressed them a letter on classical teaching, in which he boldly declared himself in favour of the existing regulations and methods, thus preserving for the ancient authors the rank they had hitherto held, but at the same time assigned an important place to Holy Scripture, the Fathers, and modern authors. Sharply attacked by Veuillot in « L’Univers », the bishop retorted by issuing a pastoral on the classics and especially on the interference of lay journalism in episcopal administration, and concluded by enjoining on the professors of his petits séminaires to receive no longer « L’Univers ». Then the question became even more burning; newspaper articles, brochures, pamphlets, even books succeeded one another on this question which created a general commotion among educationists. Gaume published in support of his thesis the « Lettre sur le paganisme dans l’éducation ». For a time it seemed as though the diocese were on the point of division. At this juncture Mgr. Dupanloup drew up a declaration which was signed by forty-six prelates. It contained four articles, two of which dealt with journalism in its relations with episcopal authority, and two with the use of the classics. It was therein stated: (1) that the employment of the ancient classics in secondary schools, when properly chosen, carefully expurgated, and explained from a Christian point of view, was neither evil nor dangerous; (2) that, however, the use of these ancient classics should not be exclusive, but that it was useful to join to it in becoming measure, as is generally done in all houses directed by the clergy, the study and explanation of Christian authors. Abbé Gaume and his partisans lost no time in reducing their claims to the three following points: (1) the more comprehensive expurgation of pagan writers; (2) the more extensive ìntroduction of Christian authors; (3) the Christian teaching of pagan authors. Nevertheless it required instructions from Rome to put an end to this controversy.]

    Ainsi donc, ajoutant à une part de vérité une évidente exagération, Jean-Joseph Gaume condamnait trois siècles d’enseignement catholique ; comme les réformateurs protestants du seizième siècle, mais contrairement à eux sans mesurer les conséquences de son exagération, il déclarait que l’Église catholique aurait favorisé une résurgence du paganisme, et que celui-ci serait le mal de la modernité. Au moment où Victor Hugo essayait de faire croire que l’Église avait détruit les œuvres antiques, pourtant préservées par des moines copistes et les bibliothèques des pape et des monastères, des catholiques entraient en guerre contre l’Antiquité, comme pour donner du poids à cette calomnie extravagante.

    Pourtant, trois des quatre pères de l’Église d’Occident (saint Ambroise de Milan, saint Jérôme de Stridon, saint Augustin d’Hippone) étaient pétris de cette culture antique gréco-romaine dans laquelle Gaume, à force d’exagérer, voyait la cause du mal.

    Ni lui, ni Veuillot, ni aucun autre ultra ne perçut le mal réel, qui venait de la direction opposée à celle qu’ils désignaient.

    L’écrasante influence du luciférien franc-maçon Joseph de Maistre sur la contre-révolution cacha que les Lumières et les révolutionnaires étaient mus par l’idéologie décrite par Arthur Preuss (Étude sur la franc-maçonnerie américaine – ouvrage bénéficiant d’un imprimatur) : essentiellement une branche de la cabale, donc une lecture partielle et non chrétienne de l’Ancien Testament.

    Pendant ce temps, Louis Veuillot, co-responsable de cette campagne qui semblait justifier les calomnies simultanées, contre l’Église, du luciférien Victor Hugo, soutenait le luciférien Jules Barbey d’Aurevilly, à mon sens franc-maçon manifeste, simplement en raison de leur communs ultra-ultramontanisme et anti-modernisme. Lequel Barbey serait le parrain du franc-maçon Léon Bloy qui, dès 1892, proposerait la théologie qu’on trouverait dans Nostrā Ætate (1965).

    Les ultras, obsédés à combattre des chimères, qui leur paraissaient terribles à cause de l’influence du luciférien de Maistre, réchauffèrent contre leur sein ceux qui feraient advenir Vatican II.

    Jean-Joseph Gaume, un grand Français ?

    Oui, si l’on considère les conséquences, immenses, des exagérations des ultras.

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