SENHORA DEL MUNDO – Un villancico castillan intrigant en l’honneur de la Vierge Marie
SENHORA DEL MUNDO
Un villancico castillan intrigant en l’honneur de la Vierge Marie

C’est en faisant des recherches pour un petit dossier à rendre durant ma première année de master que je suis tombée sur une chanson qui m’a beaucoup intriguée et dont j’ai fait le sujet de ce dossier. J’en propose ici une version raccourcie et remaniée.
Dans le cadre du cinq-centenaire de la naissance de saint François Xavier, Jordi Savall a lancé une « série » illustrant en musique chaque période de la vie du jésuite. Chaque partie est basée sur des recherches sérieuses, et plusieurs instrumentistes de différentes cultures ont été invités à coopérer, des Japonais, des Africains, des Indiens. Dans la cinquième partie de l’album de Jordi Savall paru en 2007, on trouve une pièce – Senhora del Mundo – remarquable pour sa beauté et l’intérêt qu’elle représente, non seulement dans sa démarche interprétative qui fusionne élégamment deux cultures, mais aussi dans la pièce elle-même.
Villancico anonyme, écrit en castillan, Senhora del Mundo se retrouve dans un recueil copié au Portugal vers 1520-1530, le Cancionero de Paris. C’est l’époque de l’alliance entre les différents royaumes espagnols, aussi, il n’est pas étonnant de trouver du castillan au Portugal, tout circule… Dans ce recueil, il est écrit à deux voix, en duo, et reprend les caractéristiques poétiques du villancico telles qu’à peu près établies, à savoir une sorte de ritournelle revenant comme un refrain que le poète agrémente de couplets. C’est un genre profane et religieux, qui évolua surtout dans un sens religieux et a beaucoup été utilisé comme Noël, en effet, on trouve nombre de « villancico de Navidad ».
En écoutant, on peut voir que la mélodie de Senhora del Mundo reprend des passages de celles de l’hymne O filii et filiæ du Temps Pascal, et la ressemblance est ici très frappante. Le rythme est le même, et un bout de mélodie, celle des deux premiers vers de l’hymne, semble littéralement avoir été copié. Cette hymne aurait été composé, pour ses paroles, par un religieux du nom de Jehan Tisserand au début du XVIe siècle ou à la fin du XVe, quelques sites indiquant sans sources sûres la date de 1494. A l’époque de saint François Xavier, elle est donc relativement récente, mais la date d’origine de la musique est moins certaine, et elle ne semble pas apparaître dans les recueils avant le XVIIe siècle, ce qui pose un problème si Senhora del Mundo s’en est inspirée…
Une autre mélodie grégorienne apparemment plus ancienne reprend avec moins d’exactitude le thème d’O filii, il s’agit d’Annus novus in gaudio.
La version de Jordi Savall est disponible ici, chanté par la soprano Montserrat Figueiras :
Il existe plusieurs autres versions enregistrées, en particulier celle de Gérard Lesnes, très classique et épurée, presque sans accompagnement disponible ici :
Le Baroque Nomade a également enregistré une version instrumentale disponible avec la vidéo sur YouTube, ou le rythme est plus rapide que les précédents.
La majorité des versions sont enregistrées à une seule voix, cependant nous avons vu que le manuscrit original comporte deux voix. Le groupe portugais Sete Lagrimas reprend les deux voix dans une version dynamique qui se rapproche étonnamment, en moins rêveur, de l’interprétation de Jordi Savall.
Le style un peu orientalisant de la pièce peut déstabiliser au premier abord, mais j’éprouve une fascination particulière pour son histoire et toutes les interrogations qu’elle fait naître, au-delà de son hommage et sa prière à la Souveraine maîtresse du monde. Un petit bijou à découvrir.
Señora del mundo,
princesa de vida,
seáis de tal hijo
en buen’ora parida
- Aquel soberano,
supremo señor,
por suma bondad
vencido de amor,
de vos toma el traje
de manso pastor,
por que del no huya
la oveja perdida. - Del huerto cerrado
de vuestras entrañas
aquel hazedor
de santas hazañas
salió disfraçado
con ropas estrañas
del ser que a los santos
da gloria cumplida. - . Por vos, virgen santa,
podemos dezir:
el hombre comiença
de nuevo a bivir,
que antes su vida
fue siempre morir,
con grandes sospiros
por ver nueva vida. - Trocamos por vos
pesar en placer,
y siempre ganar
y nunca perder;
pobreza en riqueza,
ignorancia en saber,
la hambre en hartura,
la muerte en la vida.
(Version de Google traduction :
Ce souverain,suprême monsieur,de toute bonté vaincu par l’amour,
de vous prendre le costume,de berger doux,parce qu’il ne s’enfuit pas
les moutons perdus.Du verger clos,de vos tripes,que hazedor de saints exploits est sorti déguisé avec des vêtements hatray d’être que pour les saints donne la gloire remplie. Pour vous, sainte vierge,nous pouvons dezir: l’homme mange retour au bivir, qu’avant sa vie était toujours en train de mourir, avec de grandes respirations pour voir une nouvelle vie. Nous trottons pour vous chagrin dans le plaisir, et toujours gagner et ne jamais perdre; pauvreté dans la richesse, l’ignorance de savoir,la faim en marre,la mort dans la vie.)
La traduction française est encore à faire, on trouvera la traduction du castillan en portugais sous la vidéo de la version de Gérard Lesnes.
Jacynthe