Comment éviterons nous l’enfer ?

Quelles conclusions pratiques allons-nous tirer de tout ceci, bon et cher lecteur ? Ces grandes vérités ne nous sont révélées de DIEU que pour nous inspirer fortement la crainte qui est, avec la foi, la base du salut ; crainte de la justice et des jugements de DIEU ; crainte du péché qui conduit à l’enfer ; crainte de cette damnation et malédiction épouvantables, de ce désespoir sans, fin, de ce feu surnaturel qui pénètre à la fois et les âmes et les corps, de ces sombres ténèbres, de cette horrible société de Satan et des démons, enfin, de l’éternité immuable de toutes ces peines, très juste châtiment du réprouvé.


Certes, il est bon et très bon d’avoir en la miséricorde une confiance sans mesure ; mais, à la lumière de la vraie foi, l’espérance ne doit pas être séparée de la crainte ; et si l’espérance doit toujours dominer la crainte, c’est à la condition que la crainte subsiste comme les fondements d’une maison, qui donnent à tout l’édifice sa force et sa solidité. Ainsi, la crainte de la justice de DIEU, la crainte du péché et de l’enfer doit écarter de l’édifice spirituel de notre salut toute vaine présomption.

Le même DIEU qui a dit : « Jamais je ne rejetterai celui qui vient à moi » a dit également : « Opérez votre salut avec crainte et tremblement ». Il faut saintement craindre pour avoir le droit d’espérer saintement.


En présence des abîmes brûlants et éternels de l’enfer, rentrez en vous même, mon cher lecteur ; mais rentrez-y tout de bon et sérieusement. Où en êtes-vous ? Etes-vous en état de grâce ? N’auriez-vous pas sur la conscience quelque péché grave, qui, si vous veniez à mourir à l’improviste, pourrait compromettre votre éternité ? Dans ce cas, croyez-moi, n’hésitez pas d’abord à vous repentir de tout votre coeur, puis à aller vous confesser aujourd’hui même ou du moins à votre premier moment de liberté.

Est-il nécessaire de vous dire, en face de l’enfer, que tout intérêt doit passer après celui là, et qu’il faut avant tout, entendez bien ceci, avant tout, assurer votre salut ? « A quoi sert à l’homme de gagner le monde entier, s’il vient à perdre son âme ? nous dit à tous le souverain Juge ; et que pourra-t-il donner en échange de son âme ? ».


Ne remettez pas au lendemain ce que vous pouvez faire aujourd’hui. Etes-vous sûr qu’il y aura pour vous un lendemain ? 


J’ai connu jadis, dans un petit village de Normandie, un pauvre homme qui, depuis son mariage, c’est-à-dire depuis plus de trente ans, s’était laissé si bien entraîner par les affaires, par son petit commerce, et puis, il faut bien le dire aussi, par l’attrait de l’auberge et du gros cidre, qu’il avait fini par oublier totalement le service de DIEU.

Il n’était pas méchant ; bien loin de là. Deux ou trois demi-attaques lui avaient fait peur, mais n’avaient malheureusement pas suffit pour le ramener à ses devoirs.Les fêtes de Pâques approchaient. Son curé le rencontra un soir et lui en parla tout franchement.

« Monsieur le curé, répondit l’autre, je vous remercie de votre bonté. J’y penserai, je vous le promets, foi d’honnête homme. Si cela ne vous dérange pas, je reviendrai en parler avec vous dans quelques jours ».

Et le lendemain on retrouvait le corps du pauvre homme dans une petite rivière voisine. En la traversant à cheval il avait été frappé d’apoplexie, et était tombé dans l’eau.


Il y a deux ans, au quartier Latin, un étudiant de vingt-trois ans qui, depuis son arrivée à Paris, c’est-à-dire depuis quatre années, s’était livré au désordre avec tous les emportements de la jeunesse, recevait un jour la visite d’un de ses camarades, aussi bon, aussi pur qu’il l’était peu lui-même.

C’était un compatriote, qui venait lui demander des nouvelles du pays. Après quelques minutes d’entretien, celui-ci se retira. Mais s’apercevant bientôt qu’il avait oublié chez son camarade un de ses livres, il rebroussa chemin et revint frapper à sa porte. Il sonna ; pas de réponse. La clef était cependant dans la serrure.

Après avoir sonné et frappé de nouveau, il entre… le malheureux était étendu à terre, raide mort.Il n’y avait pas un quart d’heure que le camarade l’avait quitté. Un anévrisme lui avait, paraît-il, rompu le coeur. On trouva son bureau plein de lettres abominables, et les seuls livres qui composaient sa maigre bibliothèque étaient ce qu’il y a de plus obscène.


On pourrait multiplier les exemples de ce genre, sans compter les mille accidents qui, chaque jour, pour ainsi dire, font passer subitement de la vie à la mort ; les accidents de chemin de fer et de voiture, par exemple, les chutes de cheval, les accidents de chasse ou de parties de bateaux, les naufrages, etc. Ils montrent avec plus d’éloquence que tous les raisonnements, qu’il faut être toujours prêt à paraître devant DIEU, qu’il ne faut pas jouer son éternité sur un peut-être, et que l’homme en état de péché mortel qui ne pense pas à se réconcilier immédiatement avec DIEU par le repentir et la confession, est un fou qui danse sur un abîme, un triple fou.

« Je ne comprends pas, disait saint Thomas, comment un homme en état de péché mortel est capable de rire et de plaisanter ».

Il s’expose de gaieté de coeur à expérimenter à ses dépens les profondeurs de cette parole épouvantable de l’Apôtre saint Paul :

« C’est une chose horrible que de tomber entre les mains du DIEU vivant ! »

Éviter avec un grand soin les occasions dangereuses et les illusions

Mais il ne s’agit pas seulement de ne pas demeurer dans l’état de péché mortel quand on a eu le malheur d’y tomber ; il faut porter plus loin le zèle de notre salut éternel, et prendre des précautions plus sérieuses. Il ne faut pas se contenter de sortir au plus vite de la voie de l’enfer ; il faut en outre éviter de s’y engager. Il faut à tout prix éviter les occasions de chute, surtout celles dont une triste expérience nous a démontré le danger. Un chrétien, un homme qui a le sens commun sacrifie tout, affronte tout, supporte tout pour échapper au feu de l’enfer. DIEU lui-même n’a-t-il pas dit:

« Si votre main droite, si votre pied, si votre oeil, si ce que vous avez de plus cher au monde est pour vous une occasion de péché, arrachez-le, retranchez-le sans hésiter ; il vaut mieux entrer, n’importe à quelles conditions dans le royaume de DIEU et dans la vie éternelle plutôt que d’être jeté dans l’abîme de feu, dans le feu éternel, où le remords ne meurt point et où le feu ne s’éteint jamais ».


Pas d’illusions à cet égard ! Les illusions sont le mouvement tournant par lequel l’ennemi de notre pauvre âme cherche à la surprendre, lorsqu’une attaque de front n’offre point de garanties suffisantes. Et que ces illusions sont perfides, subtiles, multiples, fréquentes !

Elles portent sur tout, mais plus particulièrement sur l’égoïsme avec ses froids calculs et ses raffinements ; sur toutes les nuances des insurrections de l’esprit contre la foi, contre l’entière soumission due à l’autorité du Saint-Siège et de l’Eglise ; sur les prétendues nécessités de santé ou d’habitude, qui font glisser insensiblement dans la boue de l’impureté ; sur les usages et convenances du monde au milieu duquel on vit, et qui vous entraînent si facilement dans le tourbillon du plaisir, de la vanité, de l’oubli de DIEU, et de la négligence de la vie chrétienne : enfin, sur l’aveuglement de la cupidité, qui pousse tant de gens à voler, sous prétexte de nécessités de commerce, de coutume générale dans les affaires, de sage prévoyance pour l’avenir des siens, etc. Je le répète, gare les illusions !

Combien de réprouvés sont aujourd’hui en enfer, qui n’y sont entrés que par cette porte de derrière !

On peut se séduire soi-même, du moins dans une certaine mesure ; mais on ne saurait tromper le regard de DIEU.
La vie religieuse elle-même ne suffit pas toujours pour en préserver. Sachons-le bien, il y a des Religieux en enfer ; il y en a peu, je l’espère, mais enfin il y en a. Et comment en sont-ils arrivés là ? Par le chemin fatal des illusions. Illusions touchant l’obéissance, illusions touchant la piété, illusions touchant la pauvreté, la chasteté, la mortification, illusions touchant l’usage de la science ; que sais-je ? Il est si large, ce chemin des illusions !


Je n’en citerai qu’un seul exemple, tiré de la vie de saint François d’Assise. Parmi les Principaux de l’Ordre naissant des Frères Mineurs, était un certain Frère Jean de Strachia, dont la passion pour la science menaçait de faire dévier ses Religieux de la simplicité et de la sainteté de leur vocation. Saint François l’avait averti à plusieurs reprises ; mais toujours en vain.

Justement effrayé de la funeste influence qu’exerçait ce Provincial, il le déposa en plein Chapitre, déclarant que Notre-Seigneur lui avait révélé qu’il fallait en agir avec cette rigueur, parce que l’orgueil de cet homme avait attiré sur lui la malédiction de DIEU. L’avenir le fit bientôt voir. Le malheureux mourut, en effet, au milieu du plus horrible désespoir, en criant : « Je suis damné et maudit pour l’éternité ! » Et d’affreuses circonstances qui suivirent sa mort confirmèrent cette sentence.

Assurer son salut éternel par une vie sérieusement chrétienne

Voulez-vous être plus sûr encore d’éviter l’enfer, mon très cher lecteur ? Ne vous contentez pas d’éviter le péché mortel, de combattre les vices et les défauts qui y conduisent ; menez une bonne et sainte vie, sérieusement chrétienne, et pleine de JESUS-CHRIST. Faites comme les personnes prudentes qui ont à passer par des chemins difficiles et à côtoyer des précipices : de peur d’y tomber, elles se gardent bien de marcher sur le bord, où un simple faux pas pourrait devenir fatal ; elles prennent sagement l’autre côté de la route, et s’éloignent tant qu’elles peuvent du précipice.

Faites de même Embrassez généreusement cette belle et noble vie qu’on appelle la vie chrétienne, la vie de la piété.


Guidé par les conseils de quelque saint prêtre, imposez-vous à vous même une sorte de règlement de vie, dans lequel vous ferez entrer, en proportion des besoins de votre âme et des circonstances extérieures où vous vous trouverez, quelques bons et solides exercices de piété, parmi lesquels je vous recommande les suivants, qui sont à la portée de tout le monde : 


Commencez et terminez toujours vos journées par une prière bien soignée, bien cordiale. Joignez-y, le matin et le soir, la lecture attentive d’une ou deux petites pages de l’Evangile, ou de l’Imitation, ou de quelque autre bon livre qui vous ira le mieux ; et après cette petite lecture quelques minutes de recueillement et de bonnes résolutions, le matin pour la journée, le soir pour la nuit, avec la pensée de la mort et de l’éternité.


Prenez l’excellente habitude de faire le signe de la croix toutes les fois que vous sortez de votre chambre et que vous y entrez. Cette pratique, très simple en elle-même, est très sanctifiante. Mais ayez bien soin de ne jamais faire ce signe sacré à la légère, sans y penser, par routine, comme font tant de gens. Il faut le faire religieusement et gravement.


Tâchez, si les devoirs de votre état vous en laissent la liberté, d’aller à la messe tous les matins, de bonne heure, afin de recevoir chaque jour la bénédiction par excellence, et de rendre à Notre-Seigneur les hommages que chacun de nous lui doit dans son grand sacrement. Si vous ne le pouvez pas, efforcez-vous du moins de faire tous les jours une adoration du Saint-Sacrement ; soit en entrant dans l’église, soit de loin et du fond de vôtre cœur.


Rendez également tous les jours, avec un coeur vraiment filial, à la Bienheureuse Vierge MARIE, Mère de DIEU et Mère des chrétiens, quelque hommage de piété, d’amour, de vénération. L’amour de la Sainte-Vierge, joint à l’amour du Saint-Sacrement, est un gage quasi-infaillible de salut ; et l’expérience a démontré dans tous les siècles que Notre-Seigneur JESUS-CHRIST accorde des grâces extraordinaires, et pendant leur vie et au moment de leur mort, à tous ceux qui invoquent et qui aiment sa Mère.

Portez toujours sur vous ou un scapulaire, ou une médaille, ou un chapelet.

Prenez et ne quittez jamais l’excellente habitude de vous confesser et de communier souvent. La confession et la communion sont les deux grands moyens offerts par la miséricorde de JESUS-CHRIST, à tous ceux qui veulent sauver et sanctifier leurs âmes, éviter les fautes graves, croître dans l’amour du bien et dans la pratique des vertus chrétiennes.

On ne peut, à cet égard, donner de règle générale ; mais ce que l’on peut affirmer, c’est que les hommes de bonne volonté, c’est-à-dire ceux qui veulent sincèrement éviter le mal, servir le bon DIEU, et l’aimer de tout leur coeur, ceux-là sont d’autant meilleurs qu’ils communient plus fréquemment.

Quand on est ainsi disposé, le plus, c’est le mieux ; et serait-ce plusieurs fois par semaine, voire même chaque jour, ce ne serait pas trop souvent. Presque tous les bons chrétiens feraient très bien, s’ils en avaient la faculté, de sanctifier par une bonne communion tous les dimanches et fêtes, sans y manquer jamais par leur faute.

Le célèbre Catéchisme du Concile de Trente semble dire que le moins que doive faire un chrétien quelque peu soucieux de son âme, c’est d’aller aux sacrements tous les mois.


Enfin, proposez-vous, dans votre petit règlement de vie, de combattre incessamment les deux ou trois défauts que vous remarquez ou que l’on vous a fait remarquer en vous ; c’est-le côté faible de la place, et c’est évidemment par là que, dans un moment ou dans un autre, l’ennemi tentera des surprises et des coups de main. Evitez comme le feu les mauvaises fréquentations et les mauvaises lectures.


Vous le comprenez, cher lecteur, ce que je vous recommande ici n’est pas d’obligation. Bien loin de là. Mais, je vous le répète, si vous entrez dans cette voie de générosité et de ferveur, et si vous y marchez résolument, vous assurerez d’une manière surabondante la grande et très grande affaire de votre éternité ; et vous serez certain d’éviter les peines éternelles de l’enfer, comme on est certain d’éviter les privations de la pauvreté lorsque, par une sage et intelligente administration, on augmente puissamment sa fortune.


Dans tous les cas, ne manquez pas de prendre de ces directions ce que vous pourrez en porter ; faites pour le mieux ; mais, pour l’amour de votre âme, pour l’amour du Sauveur qui a versé tout son sang pour elle, ne reculez pas devant l’Evangile, et soyez chrétien tout de bon.

Pensez souvent, pensez sérieusement à l’enfer, à ses peines éternelles, à ses feux dévorants, et je vous promets que vous irez au ciel. Le grand missionnaire du ciel, c’est l’enfer. »

Abbé Louis-Gaston Adrien de Ségur (1820-1881) : L’enfer 1878.

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