De l’Acceptation Pacifique et Universelle

Depuis quelques temps, nous voyons sur les sites ultra-conciliaires comme « Archidiacre » un argument aussi redondant qu’infondé : l’acceptation pacifique universelle du pape par les évêques. Nous tâcherons donc de répondre brièvement à cet argument.


En premier lieu, il convient de définir l’acceptation pacifique universelle telle que pensée par nos détracteurs conciliaires. Selon eux, la validité de l’élection d’un Pape est garantie par l’acceptation du Souverain pontife par l’unanimité des évêques catholiques. Or, toujours selon eux, comme Jean XXIII et Paul VI ont été reconnus universellement au début de leur « pontificat », cela invaliderait le constat sédévacantiste et justifierait la position conciliaire.


Analysons donc l’article intitulé « De l’Acceptation Pacifique Universelle d’un Pape » écrit par Semper papiste pour le site « Archidiacre » dans lequel l’auteur expose des citations d’une trentaine de théologiens sur cette fameuse acceptation que nous abrégerons désormais en « APU ». Nous ne pourrons traiter toutes les citations étant donné leur nombre mais nous résumerons cependant la position des théologiens que nous ne citerons pas.

La première citation est donc de saint Cyprien de Carthage, Père de l’Église, écrivant en 251 une lettre à Antonianus sur l’élection du Pape Corneille :

Corneille a été élu évêque par le Jugement de Dieu et de son Christ, par le témoignage favorable de la presque unanimité des clercs, par l’accord avec eux de la portion du peuple fidèle qui était présente, par la communauté des évêques vénérables et des gens de bien, personne ne l’ayant été avant lui, la place de Fabianus, c’est-à-dire la place de Pierre et le siège épiscopal étant vacants. Ce siège étant occupé et son occupation appuyée de la Volonté de Dieu et de notre accord à tous, il est inévitable que qui voudrait être élu évêque soit hors de l’Église, et n’ait point l’ordination ecclésiastique, puisqu’il n’est plus dans le sein de l’unité. Celui-là, quel qu’il soit, il aura beau se faire valoir, enfler ses prétentions, c’est un profane, c’est un étranger, c’est un homme du dehors. Et là où il ne peut y avoir de second après le premier, celui qui a été créé après celui qui doit être seul n’est pas second, mais n’est rien.

Nous remarquerons tout d’abord que seulement 16 évêques ont assisté à l’élection du Pape Corneille, invalidant dès le départ un rapprochement quelconque avec l’APU (cf Histoire des souverains pontifes romains, A. de Montor, 1846). Ensuite, Saint Cyprien parle ici non d’une acceptation mais d’une véritable élection, les cardinaux n’existant pas à cette époque ! Aussi, nous notons qu’il est en réalité question non seulement des évêques, mais aussi des clercs et des fidèles de Rome, contredisant donc la définition donnée par « semper papiste ».

L’article cite également Monseigneur Journet, qui en apparence soutient la thèse de l’APU dans son livre « L’Église du Verbe Incarné » publié en 1955 :

Mais l’acceptation pacifique de l’Église universelle s’unissant actuellement à tel élu comme au chef auquel elle se soumet, est un acte où l’Église engage sa destinée. C’est donc un acte de soi infaillible, et il est immédiatement connaissable comme tel. (Conséquemment et médiatement, il apparaîtra que toutes les conditions prérequises à la validité de l’élection ont été réalisées.)

Mais de quoi parle ici Monseigneur Journet ? En réalité, l’Église Universelle désigne l’Église catholique tout entière, composée des évêques, des clercs et des fidèles, et non pas l’Église enseignante, composée seulement des évêques. Par ailleurs, nous nous demandons ce que pensent les conciliaires de cette définition quelque peu œcuméniste de l’Église Universelle selon l’Église « catholique » de France :

Caractère universel de l’Église catholique qui comprend tous les chrétiens du monde entier. Sa doctrine est la même dans le monde. L’Église a pour mission d’enseigner « toutes les nations ». (Matthieu 28,19).

eglisecatholique.fr, Universalité de l’Église

Si cette définition peut être comprise dans un sens catholique, à savoir que seuls les catholiques sont chrétiens, les conciliaires l’interprètent de manière hétérodoxe comme le montre implicitement le journal La Croix :

Être catholique, c’est une façon d’être chrétien. Mais il y a d’autres façons d’être chrétien, d’autres traditions chrétiennes. S’il y a des différences, c’est parce que, au cours de l’histoire, la famille des chrétiens a connu des conflits et des divisions.

La Croix, Croire

De nombreuses citations concernent de même un assentiment de l’Église Universelle, comprenant les fidèles, qui garantit la légitimité du Pape, par exemple celles de Monseigneur Van Noort, du Cardinal Billot, de Jean de Saint Thomas, de Saint Bernard, de l’abbé Tanquerey, de saint Alphonse de Liguori, de Francis Connell, le Révérend Père James Kavanagh, le professeur Boni et l’Encyclopédie Catholique. Passons désormais au point de vue des autres théologiens cités.

« semper papiste » cite par exemple le théologien brésilien Arnaldo Da Silveira :

En ce qui concerne un Pape douteux, il est nécessaire de préciser ici que l’acceptation pacifique d’un Pape par toute l’Église est « un signe et un effet infaillible d’une élection valide ». C’est l’enseignement commun des auteurs.

Arnaldo Da Silveira, L’Ordo Missae de Paul VI : Qu’en penser ?, 1980

Le théologien ne désigne en réalité pas du tout les évêques. Il est d’ailleurs assez indécis sur la question, comme le montre cette citation issue du même livre :

Un examen plus approfondi de la question révélerait, néanmoins, que même en matière théorique, une importante difficulté s’élève : il faudrait déterminer avec précision ce qu’est ce concept d’acceptation pacifique et universelle par l’Église. Pour que cette acceptation soit pacifique et universelle, suffit-il qu’aucun cardinal n’ait contesté l’élection ? Suffit-il que dans un concile, par exemple, la quasi-totalité des évêques ait signé les actes [du Concile], reconnaissant par là même, implicitement, que le pape est le vrai pape ? Suffit-il qu’aucune voix ou presque, n’ait donné un cri d’alarme ? Ou bien, au contraire, est-ce qu’une défiance très généralisée mais souvent diffuse suffirait à détruire l’acceptation apparemment pacifique et universelle en faveur de ce pape ? Et si cette défiance devenait suspicion pour de nombreux esprits, un doute positif pour beaucoup, une certitude pour quelques-uns, est-ce-que cette acceptation pacifique et universelle subsisterait ? Et si ces défiances, suspicions, doutes et certitudes affleuraient de temps en temps dans les conversations et les écrits privés, et de-ci de-là dans des publications, pourrait-on encore taxer de pacifique et d’universelle l’acceptation d’un pape qui était déjà hérétique au moment de son élection par le sacré collège ? Il n’est pas dans la nature du présent ouvrage de répondre à des questions comme celles-là. Nous voulons simplement les formuler, en demandant à ceux qui ont autorité en la matière de les tirer au clair.

Arnaldo Da Silveira, L’Ordo Missae de Paul VI : Qu’en penser ?, 1980

Voici une autre citation, celle du jésuite Wilhelm Wilmers, provenant de son texte « A Handbook of the Christian Religion », publié en 1891 :

La difficulté qui est parfois soulevée est qu’il est parfois impossible de savoir si un pape est légitimement élu ou non et, par conséquent, s’il a le pouvoir de diriger l’Église ou non. La réponse est simple. Si toute l’Église reconnaît une fois quelqu’un comme son chef légitime, bien que l’élection ait pu être invalide pour une cause quelconque, il reçoit par là l’approbation de l’Église, qui équivaut à une seconde élection valable ; après quoi il succède à tout ce pouvoir acquis à la tête de l’Église. Par conséquent, aucun défaut secret ne peut, en pratique, invalider une élection papale, et tout défaut dans l’élection est supprimé par la ratification de l’Église, de sorte que tout pape, universellement reconnu par l’Église, est nécessairement le véritable successeur de saint Pierre.

Cette citation est erronée. Wilmers dit ici que non seulement les évêques mais aussi les clercs et les fidèles catholiques élisent une deuxième fois le Pape. Or, ceci est contredit en 1945 par le Pape Pie XII dans la constitution apostolique Vacantis Apostolicae Sedis, « semper papiste » qui la cite dans un autre de ses articles devrait le savoir :

Le droit d’élire le Pontife romain appartient uniquement et personnellement aux cardinaux de la Sainte Église romaine, en excluant absolument et en éloignant toute intervention de n’importe quelle autorité ecclésiastique ou de toute puissance séculière, de quelque degré ou condition qu’elle soit.

Pie XII, Vacantis Apostolicae Sedis, 1945

La position tenue par Wilmers est également celle de l’Abbé Guéranger, puisqu’il écrit : « Mais quand il est prouvé que l’Église, [..] reconnaît en la personne un certain Pape, jusque-là douteux, comme le véritable Souverain Pontife, cette reconnaissance même est une preuve que, à partir de ce moment du moins, l’occupant du Siège Apostolique est comme tel investi par Dieu lui-même. »

Il y a donc 2 théologiens parmi les 25 cités qui tiennent cette position. Autre citation intéressante, celle d’Antonio Arbiol :

La bulle de Martin V, au concile de Constance, détermine qu’il faut demander aux hérétiques de retour dans l’Église s’il croient que le pape canoniquement élu, qui est celui du moment, après la proclamation de son nom propre est le successeur du bienheureux Pierre ; et sinon ils doivent être punis comme hérétique et disciple de l’hérésiarque Jean Hus ; mais cela ne serait pas le cas, si ce n’était de fide ; donc, etc.

Antonio Arbiol, Selectae Disputationes Scholasticae, Et Dogmaticae, 1702

Semper Papiste use de cette citation assez malhonnêtement : la question a simplement pour but de savoir si le hussite interrogé croit que le Pape est le successeur de Pierre et a donc une juridiction universelle sur l’Église. Martin V use de ces procédés dans le questionnaire puisqu’il pose la même question pour les Conciles Œcuméniques à travers l’exemple du Concile de Constance :

De même s’il croit que le saint concile de Constance représentant l’Église universelle, a approuvé et approuve en faveur de la foi et pour le salut des âmes, cela doit être approuvé et tenu par tous les fidèles du Christ : et que ce qu’il a condamné et condamne comme contraire à la foi et aux bonnes mœurs, cela doit être tenu, cru et affirmé comme tel par tout catholique

Auguste Boulanger, lui, juge que c’est la validité de l’élection d’un Pape (réellement légitime) qui est un fait dogmatique et non pas la validité de l’élection après l’acceptation.

Par conséquent, lorsque « semper papiste » cite en début d’article Pie IX qui affirme que les catholiques doivent croire à ce qui a été et est toujours cru par le peuple de Dieu, il affirme ainsi un consensus sur l’APU entendue à sa manière. Nous ne pouvons que rire face à cette assertion en constatant qu’il se fonde sur quelques théologiens soutenant sa thèse, qu’il ne comprend pas que d’autres théologiens sur lesquels il s’appuie portent une thèse différente de la sienne, et qu’il est donc ridicule de refuser le légitimité du constat de la vacance du Siège sur la base de cet ensemble de discussions de théologiens à propos d’une notion mal définie entendue de diverses manières, parfois marquant des différences fondamentales comme celles qui concernent la légitimité de l’élection et celle du Pape, les théologiens n’étant pas du même avis sur la question.

Après avoir analysé la pensée des théologiens cités par le site « Archidiacre », répondons à ses objections magistérielles. L’article cite d’abord Léon XII :

Car, comment l’Église sera-t-elle pour vous une mère, si vous n’avez pas pour pères les Pasteurs de l’Église, c’est-à-dire les évêques ? Et d’où pouvez-vous vous glorifier du nom de catholiques, si, séparés du centre de la catholicité, c’est-à-dire du Saint-Siège Apostolique et du Souverain Pontife, en qui Dieu a mis la source de l’unité, vous rompez l’unité catholique ? L’Église catholique est une ; elle n’est point déchirée, ni divisée. Votre Petite Église ne peut donc en aucune manière appartenir à l’Église Catholique. Car, de l’aveu même de vos maîtres, ou plutôt de ceux qui vous trompent, il ne reste plus aucun des évêques français qui soutienne et qui défende le parti que vous suivez. Bien plus, tous les évêques de l’Univers Catholique, auxquels eux-mêmes en ont appelé, et à qui ils ont adressé leurs réclamations schismatiques imprimées sont reconnus comme approuvant les conventions de Pie VII et les actes qui se sont ensuivis, et toute l’Église catholique leur est désormais entièrement favorable. Quoi donc ? ne faut-il pas un gouvernement à l’Église catholique même, et n’établissent-ils pas qu’elle est déjà tombée ceux qui osent l’accuser ou de diminution, ou d’ignorance, ou d’erreur ?

Léon XII, Pastoris Aeterni, 1826

Cette citation, souvent utilisée, est sans effet pour essayer de contredire la position catholique non una cum : nous avons toujours eu pour Pères des évêques. Entre 1958 et les premières hérésies en effet, la considération de la vacance n’existait pas car l’Église subsistait via les évêques du monde entier qui n’étaient pas tombés dans l’hérésie étant donné que l’illégitimité d’un antipape n’est pas un fait dogmatique avant sa déposition. Les évêques poursuivaient leur vie en maintenant une foi orthodoxe. Néanmoins, lorsque la révolution conciliaire a été actée, et ainsi qu’un nombre grandissant de clercs et de fidèles se désespéraient de cette « nouvelle Pentecôte » moderniste, des évêques comme Monseigneur Blasius Kurz et Mgr Arrigo Pintonello ont non seulement considéré les catholiques non una cum comme catholiques mais le sont finalement devenus eux-mêmes. Nous pouvons aussi citer Monseigneur Lefebvre, qui comptait déjà dans les années 1960 et a fortiori dans les années 1970 parmi ses collaborateurs des prêtres rejetant la légitimité de Paul VI, par exemple le Père Noël Barbara, le Père Guérard des Lauriers et le Père Peter Morgan, qui fut d’ailleurs le sujet de la première ordination de la Fraternité-Sacerdotale-Saint-Pie-X. Selon le témoignage des séminaristes de la première heure à Écône, cette position était alors assez courante dans les esprits traditionnels bouleversés par la révolution moderniste.

Léon XIII, également cité par « semper papiste », n’enseigne pas non plus l’APU, mais souligne simplement la nécessité d’être considéré par des évêques comme catholique :

Absolument aucun évêque ne les considère et ne les gouverne comme ses brebis. Ils doivent conclure de là, avec certitude et évidence, qu’ils sont des transfuges du bercail du Christ.

Léon XIII, Eximia nos Laetitia, 1896

Or, nous savons que même Monseigneur Pintonello protégeait les familles catholiques non una cum et leur conférait le sacrement de confirmation, et ce depuis la fin du Concile. Cette citation ne va donc en rien à l’encontre du constat de la vacance du Siège.

De plus, le Magistère ne soutient non seulement pas la thèse de l’APU mais a déjà prévu la possibilité de l’élection d’un faux Pape, malgré l’acceptation par les cardinaux, comme le montre la bulle Cum Ex Apostolatus de Paul IV :

Nous ajoutons que si jamais il advient qu’un Évêque, même ayant fonction d’Archevêques, de Patriarche ou de Primat ; qu’un Cardinal de l’Église romaine, même Légat, qu’un Souverain Pontife même, avant leur promotion ou leur élévation au Cardinalat ou au Souverain Pontificat, ont dévié de la foi catholique ou sont tombés dans quelque hérésie, la promotion ou l’élévation – même si cette dernière a eu lieu dans l’entente et avec l’assentiment unanime de tous les Cardinaux – est nulle, non avenue, sans valeur et on ne pourra dire qu’elle est devenue valide ou qu’elle devient valide parce que l’intéressé accepte la charge, reçoit la consécration ou ensuite entre en possession ou quasi-possession du gouvernement et de l’administration, ou par l’intronisation du Pontife romain lui-même ou par l’adoration devant lui ou par la prestation d’obéissance à lui rendue par tous ou par quelque laps de temps écoulé pour ces actes.


Après avoir analysé les citations rapportées par « semper papiste », rajoutons quelques objections supplémentaires que nous pouvons faire face à la théorie de l’APU :

Tout d’abord, il faut dire que l’argument de l’acceptation pacifique et universelle contient un problème de fond grave. En effet, il convient de rappeler de quel fait dogmatique il s’agit et comment il est enseigné. Un fait dogmatique, comme énoncé dans les définitions données par Semper Papiste, est un fait lié à la révélation, à un dogme. En l’occurrence, le fait dogmatique en question est la légitimité d’un Pape (légitime). Pour qu’un fait dogmatique soit enseigné, il faut cependant l’accord des évêques et celui du Pape : les faits dogmatiques appartiennent au domaine de l’infaillibilité active et non passive et ne peuvent donc être énoncés avec un vague accord entre évêques du Monde entier. L’infaillibilité de l’Église dépend d’ailleurs de celle du Pape :

Le pouvoir du Pape transcende à la fois le pouvoir de chaque évêque et celui de tous les autres évêques réunis. Les évêques, collectivement (en dehors du pape), ne sont donc pas égaux ou supérieurs au pape.

Ludwig Ott, Grundriss der Katholischen Dogmatik

Étant donné que pendant la vacance, par définition, il n’y a pas de Pape, il n’y a pas d’infaillibilité active, et les évêques ne peuvent par conséquent pas enseigner de fait dogmatique. [La mission de l’Église pendant la vacance n’a d’ailleurs jamais été d’enseigner un quelconque dogme ou fait dogmatique mais de procurer à l’Église un Pape.] Si les évêques ne peuvent enseigner de fait dogmatique pendant la vacance, ils ne peuvent enseigner que tel faux Pape est Pape, en l’occurrence Jean XXIII et Paul VI. Nous citons à cet effet l’Abbé Lucien :

Tous les évêques sans le pape ne sont pas infaillibles. Leur jugement commun ne peut donc fournir un critère infaillible dans le cas qui nous occupe, où l’ensemble des évêques est nécessairement considéré sans le pape (puisque c’est sa légitimité qui est en cause).

Abbé Lucien, La situation actuelle de l’autorité dans l’Église, Bruxelles 1985, op. cit., p. 110.

On peut également citer Mgr Bartolomeo d’Avanzo, Évêque de Calvi et Teano, rapporteur de la Députation de la Foi devant le Concile Vatican I : (Cf Mansi, tome 52, colonnes 763 D9-764 C7)

Permettez-moi de rappeler comment l’infaillibilité s’exerce dans l’Église. De fait, nous avons deux témoignages de l’Écriture sur l’infaillibilité dans l’Église du Christ, Luc XXII : J’ai prié pour toi, etc., paroles qui concernent Pierre sans les autres ; et la finale de Matthieu : Allez, enseignez, etc., paroles qui sont dites aux Apôtres mais non sans Pierre… Il y a donc un double mode d’infaillibilité dans l’Église ; le premier est exercé par le magistère ordinaire de l’Église : Allez, enseignez… C’est pourquoi, de même que l’Esprit-Saint, l’esprit de vérité, demeure dans l’Église tous les jours ; de même tous les jours l’Église enseigne les vérités de foi avec l’assistance du Saint-Esprit. Elle enseigne toutes ces choses qui sont soit déjà définies, soit contenues explicitement dans le trésor de la révélation mais non définies, soit enfin qui sont crues implicitement : toutes ces vérités, l’Église les enseigne quotidiennement, tant par le pape principalement que par chacun des évêques adhérant au pape. Tous, et le pape et les évêques sont infaillibles dans ce magistère ordinaire, de l’infaillibilité même de l’Église : ils diffèrent seulement en ceci que les évêques ne sont pas infaillibles par eux-mêmes, mais ont besoin de la communion avec le pape, par qui ils sont confirmés ; le pape, lui, n’a besoin que de l’assistance du Saint-Esprit à lui promise (…) Même avec l’existence de ce magistère ordinaire, il arrive parfois soit que les vérités enseignées par ce magistère ordinaire et déjà définies soient combattues par un retour à l’hérésie, soit que des vérités non encore définies, mais tenues implicitement ou explicitement, doivent être définies ; et alors se présente l’occasion d’une définition dogmatique. »

Des conciliaires rétorqueraient que l’indéfectibilité de l’Église empêcheraient les évêques d’adhérer à un faux fait dogmatique mais puisque celui-ci n’a pas été enseigné infailliblement, y adhérer ne ferait pas des évêques des hérétiques et ils ne se sépareraient pas de l’Église.

« Comment peut-être enseigné un tel fait dogmatique, diront-ils, étant donné que jamais les Papes n’ont enseigné explicitement qu’ils l’étaient ? » Nous leur répondrons que sans trop nous aventurer, nous pouvons présumer que lorsque les évêques dispersés enseignent en communion avec eux, ils enseignent implicitement et infailliblement qu’ils le sont et qu’ils y adhèrent.

Nous pouvons aussi arguer que cette acceptation peut être comprise comme une garantie de validité de l’élection :

En ce qui concerne un Pape douteux, il est nécessaire de préciser ici que l’acceptation pacifique d’un Pape par toute l’Église est « un signe et un effet infaillible d’une élection valide ». C’est l’enseignement commun des auteurs.

Arnaldo De Silveira (1980)

L’éloignement des cardinaux de plus de 80 ans et les conventicules qui ont préparé les deux derniers Conclaves ne rendent-ils pas invalide l’élection de ces Papes ? Invalide, c’est trop affirmer, mais éventuellement douteux. Toutefois l’acceptation de fait postérieure à l’élection et unanime de la part des Cardinaux et du clergé romain suffit à valider l’élection. C’est l’opinion des théologiens.

Mgr Lefebvre – La nouvelle messe et le pape (1980)

Il faut entendre par « fait dogmatique » tout fait qui, sans être révélé, est en connexion si étroite avec le dogme révélé que, le nier, c’est du même coup ébranler les fondements du dogme lui-même. Dire, par exemple, que tel concile œcuménique est légitime, que tel pape a été régulièrement élu, que telle version de la Sainte-Écriture (v. g. la Vulgate) est substantiellement conforme au texte original, que telle doctrine hérétique est contenue dans tel livre : voilà autant de faits dogmatiques. Bien que les conclusions théologiques et les faits dogmatiques s’imposent à notre croyance comme garantis par l’enseignement infaillible de l’Église, ces vérités ne sont pas des dogmes.

Auguste Boulanger – La doctrine catholique (1930)

C’est également la position de Mgr Journet ou du Père Wernz. Or, les catholiques adhérant à la Thèse de Cassiciacum de Mgr Guérard des Lauriers reconnaissent les élections des pontifes conciliaires comme valides et croient qu’il n’y a eu un vice que dans l’acceptation de cette élection, l’argument serait donc encore moins utilisable.

Voici à présent une liste non-exhaustive de quelques autres objections que l’on peut opposer à la théorie de l’APU :

  • L’argument de Semper Papiste présente de toute manière un problème de méthode : il applique la réalité à une opinion théologique là où cela devrait être le contraire. La réalité, c’est que des passages du Concile Vatican II contredisent des enseignements antérieurs. Là est le point de départ de toute discussion théologique, quoiqu’en disent les conciliaires.
  • De nombreux faux Papes ont été acceptés par l’Église et ont été déposés, parfois même après leur mort. Par exemple, le Pape Formose, qui régna de 891 à 896 fut universellement accepté. Pourtant, après sa mort, il fut déterré par le pape Étienne VI et déposé lors du Concile cadavérique de 897. Saint Alphonse de Liguori note : « Étienne VI déclara nuls les Actes du pape Formose, et prescrivit que ceux qui ont reçu les saints ordres de Formose fussent ordonnés de nouveau. Mais Jean IX prétendit le contraire, déclarant que Formose avait été pape légitime. Vint ensuite Sergius III, qui le déclara derechef illégitime. Donc, concluent nos adversaires, Jean IX ou les deux autres papes sont dans l’erreur. Le cardinal Bellarmin (De Rom. Pontif. I. 4. c. 12) répond que, bien que Formose ait été dégradé avant son pontificat, il n’en fut pas moins dans la suite véritablement pape, et que les ordres conférés par lui furent valides ; par conséquent, Étienne et Sergius se sont trompés ; toutefois, leur erreur ne portait pas sur une loi, mais sur un simple fait. » (Cf. Œuvres complètes de S. Alphonse de Liguori, Tome II, Ed. H. Casterman, 1867, Partie III, Chapitre X, p. 339).
  • De même, le Pape Boniface VI fut élu en 896. Après avoir été accepté universellement et régné 15 jours, il mourut de la goutte, faisant de son pontificat un des plus courts de l’histoire. Il fut déposé en 898 par le Concile de Ravenne, sous Jean IX, et fut rayé de la liste des Papes. Pourtant, il est aujourd’hui considéré comme le 112e Pape malgré l’opinion de certains théologiens comme Baronius qui disait honteux de le considérer comme successeur de Saint Pierre.
  • Certains de nos contradicteurs affirment que l’APU est absolument nécessaire à la survie de l’Église car sans cela on ne saurait pas qui est Pape. Nous leur demandons donc comment ceux-ci auraient réagi s’ils avaient vécu à une des nombreuses périodes où le Pape légitime n’a pas été universellement accepté : par exemple, au IVe siècle, le Pape Damase a été élu le même jour que l’antipape Ursin et n’a pas bénéficié de l’acceptation universelle de l’Église.
  • Enfin, des conciliaires utilisent l’argument de l’una cum pour dire que les évêques et prêtres auraient apostasié en disant des messes en union avec des imposteurs. En réalité, la constitution Ad evitanda scandala (1418) du pape Martin V autorise explicitement la communicatio in sacris avec ceux que l’autorité compétente n’a pas personnellement condamné ou déclaré avoir encouru l’excommunication. Cette autorisation en soi s’applique non seulement aux excommuniés qui sont toujours membres de l’Église (excommuniés tolerandi), mais aussi aux hérétiques et aux schismatiques, à condition qu’ils ne soient pas condamnés. [Cf. Prospero Lambertini (Pape Benoît XIV), Tractatus de synodo diœcesana, lib. v, cap. 5 et Saint-Office, rescrit du 10 mai 1753, cité par Gasparri, Fontes, vol. IV, p. 83.] Ainsi donc, faire une messe una cum un imposteur, bien que scandaleux en soi, n’est pas immédiatement illicite, ce qui permet de justifier le fait que les messes rendues à cette époque par les clercs una cum les imposteurs pouvaient être licites et fructueuses (comme celles du padre Pio, par exemple), car ces imposteurs n’étaient pas condamnés de façon magistrale (excommunication vitandus).

Pour conclusion, il nous paraît évident que l’argument de l’acceptation pacifique et universelle n’est qu’un prétexte mensonger ou du moins douteux pour ne pas admettre la vacance du siège apostolique. Nous prions donc pour que l’aveuglement des conciliaires cesse et pour leur prompt retour à l’Église. Finissons sur cette citation très juste de Mgr Donald Sanborn :

« La seule solution qui maintienne l’indéfectibilité de l’Église consiste à affirmer que ces « papes » qui enseignent et diffusent la défection de la foi de Vatican II et de la « nouvelle religion » ne jouissent pas de l’autorité papale. »

Mgr Donald J. Sanborn

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