Joseph de Maistre : le catholicisme contre la philosophie des Lumières – Marc Froidefont

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4 thoughts on “Joseph de Maistre : le catholicisme contre la philosophie des Lumières – Marc Froidefont

  1. Agrégé de philosophie, Marc Froidefont est dirait-on une autorité reconnue quand il s’agit de Joseph de Maistre : ne voit-on pas ses analyses ici, sur un site sédévacantiste – duquel a priori je serais enclin à attendre les meilleures garanties d’orthodoxie catholique ?

    … ou sur le site de l’Institut Iliade, se réclamant (page « présentation ») de « la continuité de la pensée et de l’action de Dominique Venner » – dont voici quelques citations ou résumés d’idées, tirés de Metapedia : « De même, il est nécessaire de combattre toutes les doctrines égalitaires (marxisme, socialisme internationaliste, libéralisme) ainsi que les philosophies qui y ont donné naissance, au premier desquelles il faut citer le christianisme. » ; « Aux premiers siècles de notre ère, quand ils furent confrontés au christianisme naissant, les Romains dénoncèrent dans cette religion [le christianisme] une forme d’athéisme. Cela nous surprend parce que nous avons oublié la logique du polythéisme. (…) Et du jour où l’existence de ce Dieu devient dépendante de la raison – effet involontaire du thomisme –, le risque s’ouvrit de le voir réfuter par la raison, ne laissant derrière lui que le vide. L’étape suivante fut le cartésianisme. (…) Après la mise à mort des dieux et de la sagesse antique, après l’évacuation du Dieu chrétien, il ne restait plus que le néant, c’est-à-dire le nihilisme. Par un paradoxe saisissant, la religion du Dieu unique avait conduit à la forme la plus négative de l’athéisme.» ; « Pour dire les choses de façon brève, je suis trop consciemment européen pour me sentir en rien fils spirituel d’Abraham ou de Moïse, alors que je me sens pleinement celui d’Homère, d’Epictète ou de la Table Ronde. Cela signifie que je cherche mes repères en moi, au plus près de mes racines et non dans un lointain qui m’est parfaitement étranger. (…) Pour autant, je ne tire pas un trait sur les siècles chrétiens. La cathédrale de Chartres fait partie de mon univers au même titre que Stonehenge ou le Parthénon. Tel est bien l’héritage qu’il faut assumer. L’histoire des Européens n’est pas simple. Après des millénaires de religion indigène, le christianisme nous fut imposé par une suite d’accidents historiques. Mais il fut lui-même en partie transformé, « barbarisé » par nos ancêtres, les barbares francs et autres [NOTE PERSONNELLE : non, ce fut au contraire la christianisation de l’Empire romain qui causa celle, consécutive, des Francs et autres barbares]. Il fut souvent vécu comme une transposition des anciens cultes. Derrière les saints, on continuait de célébrer les dieux familiers sans se poser de grandes questions. Et dans les monastères, on recopiait souvent les textes antiques sans nécessairement les censurer. Cette permanence est encore vraie aujourd’hui, mais sous d’autres formes, malgré les efforts de prédication biblique. Il me semble notamment nécessaire de prendre en compte l’évolution des traditionnalistes qui constituent souvent des ilôts de santé, opposant au chaos ambiant leurs familles robustes, leurs enfants nombreux et leur groupement de jeunes en bonne forme. La pérennité de la famille et de la patrie dont ils se réclament, la discipline dans l’éducation, la fermeté dans les épreuves n’ont rien de spécifiquement chrétien. Ce sont les restes de l’héritage romain et stoïcien qu’avait plus ou moins assumé l’Église jusqu’au début du XXe siècle. Inversement, l’individualisme, le cosmopolitisme actuel, le culpabilisme sont bien les héritages laïcisés du christianisme, comme l’anthropocentrisme extrême et la désacralisation de la nature dans lesquels je vois la source d’une modernité faustienne devenue folle et dont il faudra payer les effets au prix fort.» ?

    … ou sur wikipedia – où ses ouvrages sont une part non négligeable de la bibliographie française récente, avec ceux d’Henri dd Maistre (Marc Froidefont : • Théologie de Joseph de Maistre, Paris, Éditions Classiques Garnier, coll. « Études romantiques et dix-neuviémistes », 2010, 501 p. (ISBN 978-2-8124-0167-1) • « La philosophie de Joseph de Maistre », Conférences et Débats du Cercle d’études philosophiques d’Annecy, 2e trimestre 1999, p. 21-33. • Henri de Maistre, Joseph de Maistre, Perrin, 1990. • « Joseph de Maistre et l’idée de monarchie », Revue d’études maistriennes, no 14, 2004, p. 413-424. (ISBN 2-7453-0958-7) • « Joseph de Maistre, lecteur d’Origène », dans le recueil Autour de Joseph et Xavier de Maistre, mélanges pour Jean-Louis Darcel, textes réunis par Michael Kohlhauer, Chambéry, université de Savoie, 2007, p. 109-118. (ISBN 2-915797-23-4) […] • Henri de Maistre, Joseph de Maistre (avec une préface de Gabriel Matzneff), Paris, Perrin, 1990, 298 p., (ISBN 2-262-00756-X), (BNF 35153307).) ?

    … ou bien publiées par lecontemporain(point)net (Comprendre la théologie de Maistre – Entretien avec Marc Froidefont), où les derniers entretiens que je vois sont avec Raphaël Enthoven et Jacques Attali ?

    … ou sur le site 450(point)fm, dont l’extension dit tout – et où un commentateur demande si Froidefont ne fut pas candidat du FN en 1993, dans l’Eure ?

    Bref, une référence unanimement acceptée.

    Je me propose d’examiner les assertions de monsieur Froidefont, invitant ceux que cela intéresse à d’abord voir la vidéo dont le titre est ici :
    https://catholiquedefrance.fr/les-papes-controverses/#comment-4686
    Le lien de cette vidéo (une heure huit minutes quatre secondes) peut se trouver un peu plus haut, et le résumé se trouve au contraire sans le commentaire suivant.

    1. Ci-dessus, lire : Le lien de cette vidéo (une heure huit minutes quatre secondes) peut se trouver un peu plus haut [que le commentaire en lien], et le résumé se trouve au contraire dans le commentaire suivant.

      J’ai également trop superficiellement lu et donc mal interprété la phrase de D. Venner sur la « barbarisation » du christianisme, contre laquelle ma glose est donc malvenue, et laissé passé la double et choquante coquille de Metapedia affectant le mot îlot.

      Je vais m’appuyer sur plusieurs recensions des ouvrages de monsieur Froidefont sur Joseph de Maistre :

      (1) Sur le site Lettres du Mont-Blanc ( montblanc(point)hypotheses(point)org : Théologie de Joseph de Maistre : un ouvrage de Marc Froidefont.

      (2) La recension (je crois par monsieur Emmanuel Godo) de Théologie de Joseph de Maistre de monsieur Froidefont sur journals(point)openedition(point)(point)org

      (3) article Parution : Joseph de Maistre. La nation contre les droits de l’homme (sur le site institut-iliade(point)com )

      Source 1 :

      La thèse de l’auteur [Marc Froidefont] était que Joseph de Maistre n’avait pas été influencé, comme on l’a souvent dit, par l’illuminisme de Louis-Claude de Saint-Martin, de Martinès de Pasqually et de Jean-Baptiste Vuillermoz, bien qu’il ait fait partie de la loge maçonnique fondée par ce dernier. En effet, tous les auteurs cités par Joseph de Maistre sont canoniques, et considérés à son époque comme de bons catholiques. Ses références majeures sont saint Thomas d’Aquin et Origène et, même si le second a vu plusieurs de ses thèses anciennement condamnées, d’une part l’opinion depuis s’était radoucie à son égard, d’autre part il n’avait émis que des hypothèses, réservant à l’autorité le droit de les démentir, si elles étaient opposées au dogme et à la logique qu’on pouvait en tirer, ou à des passages de la Bible. Son hypothèse majeure, comme on le sait peut-être, est la préexistence des âmes humaines à leur incarnation terrestre, ce que Maistre propose aussi comme hypothèse prudente.

      La préexistence des âmes est un des principes de la cabale, qui est la base de l’enseignement maçonnique (voir, d’Athur Preuss, Étude sur la franc-maçonnerie américaine, ouvrage avec imprimatur). Le recours par monsieur Froidefont à l’autorité d’Origène pour étayer sur ce point l’inspiration catholique de de Maistre me rappelle un exemple cité par Preuss, s’appuyant sur les écrits de deux autres éminents francs-maçons du rite écossais (celui-là même pratiqué par de Maistre), Albert Pike et Albert Mackey (Arthur Preuss, op. cit., ch. X, La Franc-maçonnerie américaine et l’âme humaine ; la glose entre crochets est de moi) :

      Donc, conformément à cette théorie de la divinié de l’âme, elle existait avant d’être unie au corps. « Cette opinion de la préexistence des âmes, substances pures et célestes, avant leur union avec nos corps, qu’elles sont venues animer du haut du ciel, dit le F.·. Pike (note : Morals and Dogma, p. 440), remonte à une haute antiquité. Un rabbin moderne Manasseh Ben Israël [note personnelle, 2024 : cabaliste ; il négocia avec Cromwell le retour de juifs en Angleterre], assure qu’elle fut de tout temps reçue chez les Hébreux. C’était celle de la plupart des philosophes qui admettaient l’immortalité de l’âme, et, par conséquent, elle était enseignée dans les Mystères ; en elfet, comme le dit Lactance, ils ne pouvaient concevoir comment l’âme survivrait au corps, si elle n’avait pas existé avant lui, et si sa nature n’était pas indépendante de celle du corps. La même doctrine fut adoptée par les plus instruits des Pères grecs et par beaucoup de Pères latins, et elle prévaudrait probablement aujourd’hui, si les hommes prenaient la peine de réfléchira ce sujet et de se demander si l’immorlalité de l’âme n’implique pas sa préexistence ».

      « Quelques philosophes, continue-t-il, soutenaient que l’âme était emprisonnée dans le corps en punition de fautes commises dans une existence antérieure. Mais comment ils conciliaient cette idée avec l’inconscience de la même âme par rapport à cette existence antérieure, ou aux péchés commis alors, on ne le voit pas. D’autres soutiennent que Dieu, de sa pure volonté, envoya l’âme habiter le corps. Les Kabbalistes unissaient les deux opinions. Ils enseignaient qu’il y a quatre mondes : Aziluth, Briarth, Jezirath et Aziath : le monde de l’émanation, celui de la création, celui des formes et celui de la matière, ainsi hiérarchisés, l’un étant au-dessus de l’autre et plus parfait, à la fois en ce qui concerne leur propre nature et celle des êtres qui les habitent. À l’origine, toutes les âmes étaient dans le monde Aziluth, le plus élevé des cieux, séjour de Dieu et des esprits purs et immortels. Ceux qui descendent de ce monde sans avoir commis de faute personnelle, mais par l’ordre de Dieu, sont doués d’un feu divin qui les préserve de la contagion de la matière et les rétablit dans le ciel aussitôt que leur mission est terminée. Ceux qui en descendent par suite d’une faute personnelle vont de monde en monde, perdant peu à peu leur amour des choses divines et leur contemplation d’eux-mêmes, jusqu’à ce que, tombant de leur propre poids, ils atteignent le monde Aziath. Tout ceci est du pur platonisme, revêtu des termes et des figures propres aux Kabbalistes ».

      À lire le F.·. Pike, on pourrait s’imaginer que les Pères grecs les plus savants tinrent conseil pour se déclarer en faveur de la préexistence des âmes, alors que c’est exactement le contraire. Seul, Origène soutint cette opinion, que les autres blâmèrent et condamnèrent ; quant aux Pères de l’Église latine, pas un ne partagea un instant cet avis. Nous pouvons juger par de tels exemples, qui se rencontrent fréquemment chez le F.·. Pike, de la confiance que nous devons lui accorder. Il est absurde, d’après lui, de croire à l’immortalité de l’âme après sa création, si l’on n’admet pas une immortalité préexistante, car il prétend que chaque pensée, chaque volonté, chaque action subsistera à travers les siècles, du moment où elle aura pris naissance. Soutiendrait-il que la pensée que nous avons en cet instant, l’acte que nous accomplissons pour la première fois préexista de toute éternité ? S’il en est ainsi, l’absurdité d’une telle théorie sera la meilleure réfutation de la première.

      Wikipedia (page Joseph_de_Maistre, paragraphe Appartenance_à_la_franc-maçonnerie) :

      Son œuvre reprend les enseignements de la maçonnerie : providentialisme, prophétisme, réversibilité des peines, etc. ; hautement investi dans la vie de cette société initiatique, à la veille du Convent de Wilhelmsbad (1782), il fait d’ailleurs parvenir à Jean-Baptiste Willermoz son célèbre Mémoire au duc de Brunswick. Il entretient par ailleurs une amitié avec Louis-Claude de Saint-Martin, pour lequel il avait une vive admiration, se faisant fort, disait-il, « de défendre en tous points l’orthodoxie », d’où son attrait pour le martinisme.

      Lors de son séjour à Turin, en 1793, Joseph de Maistre adhère à la loge de La Stricte Observance (La Stretta Osservanza) qui relève du Rite écossais rectifié. Enfin, à Saint-Pétersbourg, il fréquente la loge de M. Stedingk, ambassadeur de Suède auprès du Tsar.

      Au total, Joseph de Maistre a joué un rôle actif dans la franc-maçonnerie pendant environ 40 ans, et il est parvenu aux grades les plus élevés du Rite écossais rectifié et du martinisme. Il est répertorié sur la liste des francs-maçons célèbres dans le monde.

      Joseph de Maistre a publié en 1782 le Mémoire au duc de Brunswick à l’occasion du Convent de Wilhelmsbad et en 1793 le Mémoire sur la Franc Maçonnerie adressé au baron Vignet des Étoles. Ces ouvrages sont régulièrement commentés ou étudiés comme des éléments historiques.

      J’ai mis ailleurs sur ce site un lien vers le document de 1782, dont il me semble évident qu’il est hautement incompatible avec le catholicisme.

      La réversibilité selon de Maistre n’était pas, comme pour un catholique, le rejaillissement sur l’Église des mérites des saints, mais une apocatastase où toutes les âmes finiraient rachetées et fondues en Dieu, y compris celle de Lucifer (voir la vidéo de Radio Regina).

      Par ailleurs l’utilisation d’éléments isolés pris dans des sources catholiques mais insérés dans un raisonnement s’opposant aux conclusions desdites sources ne saurait être un gage d’orthodoxie catholique, et imite la façon dont Preuss (op. cit.) dit que la franc-maçonnerie annexe toutes les spiritualités, christianisme compris. Ainsi, pour saint Thomas d’Aquin, il arrive que le peuple ait le droit de se révolter contre son souverain, mais pas pour de Maistre qui pourtant s’appuie sur lui. Cela suffit d’ailleurs à répondre à ceux qui font de de Maistre un sincère nationaliste (voir : source (3)), alors qu’il considérait que la vie des peuples impliquait leur mort et qu’il les déclarait obligés par une obéissance inconditionnelle à tout accepter de leur souverain ; à l’opposé, l’adage romain disait salus populi lex suprema (le salut du peuple est la loi suprême).

      Pour autant la réputation d’auteur absolutiste de de Maistre (mentionnée dans l’émission de Radio Regina, par exemple) n’est pas moins injustifiée. Wikipedia (article Joseph de Maistre, paragraphe La théocratie, étroite alliance du pouvoir et du religieux) :

      Pour Joseph de Maistre, le pouvoir temporel doit se conformer aux voies de la Providence. Un régime théocratique est alors pour lui le plus adapté, tandis que la reconnaissance de l’autorité religieuse le pousse à reconnaître la suprématie temporelle du pape.

      Ce qu’on comparera à ce passage, que j’ai déjà cité sur ce site, du principal théologien ultramontain qui défendit l’infaillibilité pontificale avant et après Vatican I :

      La même année [1826] l’épiscopat de France put de la même manière déclarer la pleine et indépendante autorité du monarque dans les questions temporelles, et les évêques d’Amérique du Nord au cinquième concile provincial de Baltimore en 1843 rejetèrent l’imputation que dans les questions civiles et politiques ils étaient sous l’empire du pape. Les papes eux-mêmes ont déclaré de façon claire et déterminée qu’ils ne souhaitaient aucunement s’en prendre aux droits du pouvoir civil. Pie VII, dans l’allocution du 24 mai 1802, dans laquelle il se plaint des articles organiques publiés en France, parle comme suit : « Puisse Dieu ne jamais permettre que nous, ou les pasteurs placés par le Christ sous notre autorité, recherchions jamais des avantages terrestres, ou désirions tirer à nous ce qui n’appartient pas à l’Église. Nous souhaitons toujours avoir devant nous l’injonction divine de rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. En cela nous devons toujours donner l’exemple à tous, et veiller à ce que les évêques et les autres vignerons dans la vigne du Seigneur par la parole et par l’action s’efforcent simplement au salut des âmes confiées à eux, et soient emplis de zèle à cette fin, et ne se mêlent pas à des questions qui ne les regardent pas, ce qui pourrait donner l’occasion aux ennemis de la religion d’en calomnier les ministres. Nous les exhorterons de tout notre zèle, qu’ils suivent strictement les principes des apôtres, qui sont nos maîtres, et que non seulement par leur prêche, mais par leur exemple, ils inculquent l’obéissance due au pouvoir civil, en manifestant cette obéissance pour laquelle les chrétiens depuis les tous débuts de l’Église se sont faits connaître comme modèles de soumission et de fidélité à leurs supérieurs.
      »

      Assertion de monsieur Froidefont :
      « Que Maistre soit fidèle à la tradition catholique est précisément ce qui fait la force et la solidité de sa pensée… » (Marc Froidefont, op. cit., p. 12, cité par (2)).
      À comparer à : Reboul Yves : Pierre Glaudes, Joseph de Maistre et les figures de l’histoire, Cahiers Romantiques n° 2, 1997. In : Littératures, 38, printemps 1998. p. 162 (consultable sur persee(point)fr – aucun de mes commentaires à plusieurs liens n’est plus accepté depuis longtemps ici) :

      Tout le monde connaît Joseph de Maistre et personne ne le lit. Non pas tant sans doute à cause de l’austérité présumée d’une œuvre aux dimensions parfois dissuasives qu’en raison de l’image qui s’attache à son auteur : réactionnaire à la mode de Coblenz, théoricien de l’ultramontanisme, apôtre furibond de la prééminence absolue du Pape (…) ce qui transparaît là, c’est l’influence de Böhme, de Louis-Claude de Saint-Martin et, plus généralement, de l’illuminisme maçon auquel de Maistre avait adhéré dès avant la Révolution, dont on sait l’importance dans la genèse du romantisme et qui, plus que le christianisme, était peut-être bien sa vraie patrie intellectuelle. De là vient que ces mystères excèdent à ses yeux le langage clair et appellent ce discours analogique qui séduira tant Baudelaire et dont un sens intime d’essence illuministe garantit seul la véracité. C’était se poser en Voyant ; mais, comme le note légitimement Pierre Glaudes, nous sommes là en pleine théosophie et bel et bien aux sources mystiques du romantisme français.

      Poir juger de Maistre sincèrement catholique il faut penser qu’un partisan de ce que j’appelle l’apocatastase luciférienne et de la cabale se croit sincèrement inspiré du catholicisme, même s’il en pioche seulement ici ou là des bribes, que d’ailleurs il ordonne pour les faire contredire ses sources catholiques ? « Théodon » et « Janek », de Radio Regina, rappellent que ses œuvres auraient été mises à l’Index s’il n’avait été un si ardent propagandiste de l’ultramontanisme (je dirais plutôt de l’ « ultra-ultramontanisme », plus papiste que le pape). Ils évoquent aussi son manichéisme (doctrine que saint Léon le Grand qualifiait d’ omnium errorum impietatumque mixturam, mélange de toutes les erreurs et impiétés).

      Wikipedia (Joseph_de_Maistre) :

      Joseph de Maistre eut également une postérité à la fois plus spirituelle et plus littéraire, via plusieurs auteurs qu’il influença considérablement : Honoré de Balzac, mais surtout Charles Baudelaire (par exemple dans ses poèmes Correspondances ou Réversibilité), Antoine Blanc de Saint-Bonnet, Jules Barbey d’Aurevilly et Ernest Hello, lesquels ont marqué ensuite toute la littérature catholique du xxe siècle – de Léon Bloy, Bernanos et Paul Claudel jusqu’à Léon Tolstoï, dans Guerre et Paix.

      Au moins Tolstoï, Balzac, Baudelaire, Barbey d’Aurevilly et Bloy étaient franc-maçons ; Baudelaire était conscient d’être cabaliste ; Barbey d’Aurevilly est à mes yeux un luciférien manifeste, des mœurs de qui se gaussait même son ultra-ultramontain soutien Louis Veuillot dans sa correspondance privée, et qui, obsédé d’inceste, comme son filleul, le franc-maçon Léon Bloy officiellement converti par Ernest Hello et lui (Bloy était luciférien conscient derrière un masque catholique : lire, de Raymond Barbeau, Léon Bloy : Un Prophète luciférien) passe toutefois pour un auteur catholique, grâce à sa détestation de la modernité, à son « ultra-ultramontanisme » et au soutien de Veuillot.

      1. Source 4 : article Comprendre la théologie de Maistre – Entretien avec Marc Froidefont (paru sur lecontemporain(point)net , consultable aussi sur 450(point)fm ) :

        Un extrait de cette source :

        Franck Abed – Joseph de Maistre, contrairement à de nombreux penseurs de son époque, croyait véritablement à l’historicité des événements bibliques. Il affirme clairement que l’humanité descend d’un couple unique, atteste l’existence du Déluge et analyse avec soin les événements qui se déroulèrent à Babel : multiplication et dispersion des langues. Maistre était donc un défenseur de l’inerrance biblique. Comment l’expliquez-vous ?

        Marc Froidefont – Maistre non seulement pensait que l’humanité venait d’un seul couple, mais aussi que Dieu avait donné des connaissances et une certaine sagesse à Adam et ses descendants. C’est ce que les théologiens appellent « la révélation primitive ». Maistre admettait que nos premiers ancêtres avaient des forces intellectuelles et même physiques qui ont été perdues par la suite. Le Déluge était compris par Maistre comme un châtiment divin pour punir les désordres et l’orgueil des hommes. Il est à noter que la notion même de Déluge biblique était très discutée par les savants de la fin du dix-huitième siècle. Croyants et non-croyants étaient d’accord pour admettre la réalité d’une antique immersion des terres puisqu’on avait découvert des traces de vie marine dans les montagnes. Maistre suivait le récit biblique pour affirmer qu’après le Déluge toute l’humanité venait des trois couples, lesquels sont à l’origine du repeuplement de l’univers.

        À comparer à cet extrait du Mémoire au duc de Brunswick de Joseph de Maistre (1782 ; consultable par exemple sur directoirerectifie(point)org , article Joseph de Maistre Mémoire au duc de Brunswick Le Christianisme transcendant) :

        Tout est mystère dans les deux Testaments, et les élus de l’une et l’autre loi n’étaient que de vrais initiés. Il faut donc interroger cette vénérable Antiquité et lui demander comment elle entendait les allégories sacrées. Qui peut douter que ces sortes de recherches ne nous fournissent des armes victorieuses contre les écrivains modernes qui s’obstinent à ne voir dans l’Écriture que le sens littéral ? Ils sont déjà réfutés par la seule expression des Mystères de la Religion que nous employons tous les jours sans en pénétrer le sens. Ce mot de mystère ne signifiait dans le principe qu’une vérité cachée sous des types par ceux qui la possédaient. Ce ne fut que par extension et pour ainsi dire par corruption qu’on appliqua depuis cette expression à tout ce qui est caché ; à tout ce qu’il est difficile de comprendre.

        Je vois trois erreurs qu’impliquent ou suggèrent ces propos de messieurs Abed et Froidefont : l’une selon laquelle l’inerrance biblique imposerait une lecture littérale, ce qui est démenti même par saint Jérôme de Stridon, le plus grand des exégètes, et par saint Augustin (De Genesi ad litteram) ; une autre selon laquelle le franc-maçon de Maistre pourrait être préjugé orthodoxe pour son attachement au littéralisme alors qu’au contraire il cherchait à faire des deux Testaments des allégories que comprendraient les seuls initiés, ce qui ne me paraît fort peu orthodoxe justement, et qu’il allait même jusqu’à juger erreur moderne la lecture littérale ; enfin la troisième erreur est qu’implicitement ces propos font d’une lecture littérale de certains passages un critère de distinction entre l’ésotérisme maçonnique et le catholicisme, alors que l’enseignement maçonnique est noachique, c’est-à-dire qu’il se base sur l’acceptation des chapitres de la Genèse jusqu’à Noé et au Déluge : or c’est exactement cela que manifestent les thèses de de Maistre citées par Froidefont, et on aurait donc bien tort d’y voir un étalon de catholicité.

        Monsieur Froidefont nuance d’ailleurs l’assertion de son interlocuteur sur le littéralisme de de Maistre ; il conclut que celui-ci s’en remettait à l’autorité de l’Église pour l’interprétation de la Bible. L’inverse aurait pu impliquer l’excommunication, soit dit en passant, et qu’il ne s’agît que d’une précaution oratoire me paraît prouvé par le contenu du Mémoire au duc de Brunswick.

        (4) :

        Franck Abed – Maistre est souvent décrit comme un défenseur du Trône et de l’Autel, un contre-révolutionnaire, un ultramontain. Pourtant il fut franc-maçon et a entretenu toute sa vie une correspondance avec d’éminents maçons. Comment expliquez-vous ce fait, que d’aucuns, considéreront comme une incohérence ?

        Marc Froidefont – Vous avez tout à fait raison, Maistre a été franc-maçon. Rappelons néanmoins que la franc-maçonnerie de l’époque n’était pas celle d’aujourd’hui. L’abbé Barruel, adversaire de la franc-maçonnerie, a expliqué dans son fameux livre Histoire du jacobinisme, que si certains francs-maçons étaient hostiles tant à la royauté qu’au christianisme, et ont conséquemment favorisé, aidé, voire mené la Révolution française, cela n’a pas été le cas de tous les francs-maçons, et qu’il a existé des loges « honnêtes », qu’il qualifiait aussi de « dupes », n’ayant aucune activité subversive. L’engagement de Joseph de Maistre dans la franc-maçonnerie fut une activité de jeunesse.

        Joseph de Maistre est né en 1753 et mort en 1821 ; on sait qu’il appartenait déjà à la franc-maçonnerie en 1774 (21 ans), et qu’il écrivait d’importants textes maçonniques sans cesse au moins jusqu’en en 1818 (mentionné par exemple par Radio Regina), à 65 ans, alors qu’il mourut à 68 ans. Il atteignit les plus hauts grades, et fut un des francs-maçons les plus importants de l’histoire ; faire de cette affiliation une « activité de jeunesse », c’est soit ignorer le sujet soit délibérément détourner de la vérité le regard.

        Il est exact que Barruel remarquait, comme de Maistre, que tous les francs-maçons n’étaient pas révolutionnaires, mais contrairement à de Maistre il voyait dans la révolution non l’œuvre d’individus accidentellement francs-maçons mais au contraire l’œuvre de la franc-maçonnerie à laquelle certains de ses membres pour des raisins individuelles ne participèrent pas. Voici un passage d’une version abrégée de ses Mémoires pour servir à l’histoire du jacobinisme :

        Commencer par ôter à l’Église ses corps religieux et priver le reste de ses ministres de leur subsistance, miner sourdement l’édifice et employer enfin la force, tels étaient les moyens combinés par les sophistes pour renverser les autels du christianisme. Substituer à ces autels ceux du grand architecte de l’univers, à l’Évangile la lumière des loges, au Dieu de la révélation le Dieu de la raison, tels étaient les mystères les plus modérés des arrière-loges maçonniques ; (…)

        Je pose donc la question suivante : qui estime judicieusement choisie la tournure employée par monsieur Froidefont pour résumer la thèse de Barruel sur le rôle révolutionnaire de la franc-maçonnerie ?

        1. Dans son entretien avec monsieur Abed, monsieur Froidefont affirme ensuite que de Maistre ne fut pas longtemps franc-maçon, ce qui est faux, et semble ignorer le rang exceptionnel qu’il tînt dans la hiérarchie maçonnique.

          Quant à l’affiliation maçonnique de Joseph de Maistre, certaines sources essayent d’en faire paraître moindre la gravité du fait qu’il fréquentait les loges spiritualistes et non les loges progressistes : c’est ainsi le cas de l’émission de Radio Regina, qui distingue ici la situation de Maistre de celle de René Guénon, pourtant affilié également aux loges spiritualistes et professant des thèses largement semblables à celles de de Maistre.

          En réponse voici un extrait d’un article de Jean Vaquié, diffusé par exemple sur le site bouddhanar (La Franc-maçonnerie, de Poncins, Guénon et Evola, publié le 14 septembre 2014) :

          D’après Guénon, ce qui est répréhensible, dans les loges rationalistes et athées, ce n’est pas l’initiation, c’est l’enseignement doctrinal. On y impose une orientation de type encyclopédique, révolutionnaire, scientiste et matérialiste. C’est cela qui est mauvais, très mauvais même car les loges rationalistes, qui ne reconnaissent pas de Dieu, en arrivent à accélérer la « solidification » du monde. Mais la régularité de l’initiation est inattaquable nonobstant les doctrines erronées qui l’accompagnent. Les loges spiritualistes, au contraire, toujours d’après Guénon, sont irréprochables autant pour leurs doctrines, qui sont de nature religieuse, que pour leur initiation qui est d’origine immémoriale et donc non-humaine. On comprend dès lors que R. Guénon se soit toujours trouvé en accord fondamental avec la maçonnerie spiritualiste. Il en a fait partie et il y a toujours conservé des amis, des défenseurs et même des disciples nombreux.

          Ainsi peut-on résumer la doctrine de Guénon concernant la maçonnerie. Mais il est bien évident qu’il s’agit là d’un schéma. La distinction des deux courants philosophiques n’est contestée par personne, dans son principe, mais dans la pratique elle ne se présente pas toujours d’une manière tranchée. Car, du fait de sa tolérance, la maçonnerie abrite des tendances très diverses et très nuancées.

          Voyons maintenant le point de vue de Poncins. De même qu’il avait appelé Guénon à l’aide contre le monde moderne, il aurait pu le citer aussi dans ses développements contre la maçonnerie rationaliste qu’il combattait comme lui. Mais il s’en est bien gardé. Poncins engloba toujours dans la même réprobation les loges athées et les loges théistes dans lesquelles il ne percevait qu’une habile répartition de la clientèle. De fait, contrairement à Guénon, Poncins a toujours été détesté dans l’un et l’autre courants maçonniques. Il a été combattu par la maçonnerie toutes tendances confondues. Et cela essentiellement parce qu’il n’y a jamais été considéré comme un disciple de Guénon si peu que ce soit.

          Source 5 : Théologie de Joseph de Maistre : un ouvrage de Marc Froidefont ( montblanc(point)hypotheses(point)org ).

          Extrait :

          Que Joseph de Maistre, comme le dit Marc Froidefont, ait tenu à présenter les principes de l’illuminisme à travers des auteurs catholiques ; qu’il ait tâché de marquer, à cet égard, sa fidélité à l’Église, et ait pris ses distances avec la franc-maçonnerie, c’est absolument certain. Mais comment ne pas voir, d’une part, qu’il utilise des références canoniques pour justifier, en réalité, des options issues de l’illuminisme ? Les orientations théologiques générales de la littérature catholique ne sont pas présentées de façon égale et indifférenciée par Joseph de Maistre : il préfère bien parmi elles ce qui se rapproche de l’illuminisme, et son goût pour Origène l’éloigne de saint Augustin, et le rapproche des Néoplatoniciens que celui-ci réprouvait.

          Oui : comment ne pas voir ?

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