La légitimité des sacres épiscopaux sans mandat pendant la vacance du siège apostolique

Traduction d’un article de Mgr Pivarunas par le site catholique-sedevacantiste.com

Mes Bien-aimés dans le Christ,

Il y a maintenant cinq ans que feu Son Excellence, Mgr Moises Carmona, m’a administré la consécration épiscopale comme un moyen d’aider à préserver notre précieuse Foi Catholique en ces temps d’hérésie et d’apostasie.

Aussi bienvenues qu’aient été les consécrations d’évêques Catholiques traditionnels parmi la majorité des fidèles, il y en a eu aussi quelques-uns qui remettaient en question la légalité de ces consécrations, au motif que la stricte lettre de la loi interdit à un évêque de consacrer un autre évêque sans mandat pontifical.

Il est très important que nos fidèles Catholiques comprennent les principes théologiques à l’œuvre dans ces questions afin de répondre à ceux qui rejettent la Messe et les Sacrements offerts par ces évêques et les prêtres ordonnés par eux.
Dans cette lettre pastorale, nous passerons brièvement en revue ce sujet et examinerons les considérations pertinentes suivantes:

  1. le précédent historique de la consécration des évêques sans mandat pontifical pendant le long interrègne (temps entre la mort d’un Pape et l’élection d’un autre) entre le règne du Pape Clément IV et celui du Pape Grégoire X;
  2. la définition du droit, la nature du droit, et la cessation intrinsèque de la loi;
  3. la subordination des lois inférieures aux exigences des lois supérieures.

Avant de procéder à chacune de ces considérations, il faut d’abord établir qu’il existe actuellement, et ce, depuis le Concile Vatican II, une crise très grave dans l’Église Catholique. Là où le Saint Sacrifice de la messe était offert dans les églises catholiques dans le monde entier, se tient désormais à sa place la Nouvelle Messe (Novus Ordo Missae) qui ne représente pas un sacrifice de propitiation (expiation pour le péché) mais un mémorial protestant de la Dernière Cène. Dans cette nouvelle messe, les paroles mêmes du Christ dans la forme sacramentelle de la Sainte Eucharistie ont été sensiblement modifiées, ce qui, selon le décret du Pape saint Pie V, De Defectibus, « invalide la consécration. » Depuis l’avènement du Deuxième Concile du Vatican, les fausses doctrines de l’œcuménisme et de l’indifférentisme religieux (qui ont été condamnées par de nombreux Papes et Conciles, en particulier par le Pape Pie IX) ont été promulguées par le Magistère Ordinaire Universel de la hiérarchie moderne sous Paul VI et Jean Paul II sous lesquels une reconnaissance officielle est donnée non seulement à des sectes non-Catholiques (le Luthéranisme, l’Anglicanisme, l’Orthodoxie), mais aussi à des religions non chrétiennes (Bouddhisme, Hindouisme, Islam, Judaïsme), pour n’en citer que quelques-unes. Désormais, la hiérarchie moderne accepte ces autres religions, encourage ses membres à prier leurs dieux, et tente de promouvoir « le Bien » dans ces religions.

Comment peut-on concilier les enseignements du Magistère infaillible (magistère du Pape et des évêques) de l’Église Catholique avant le Concile Vatican II (1962-1965) avec les erreurs qui ont émané de ce même Concile et qui ont continué à être promulguées par la hiérarchie moderne durant les trente dernières années ?

La bonne conclusion, la seule conclusion à laquelle nous puissions arriver est que la hiérarchie de l’Église moderne postconciliaire de Vatican II ne peut pas être et ne représente pas le Magistère de l’Église Catholique. Car le Christ a promis d’être avec ses apôtres et leurs successeurs « tous les jours jusqu’à la consommation du monde. » À Ses apôtres et à leurs successeurs, Notre Seigneur a promis l’assistance du Saint-Esprit, l’Esprit de Vérité, qui doit « demeurer avec eux pour toujours. »

Par l’enseignement du Concile Vatican I (1870), nous savons que l’Église Catholique est infaillible non seulement dans ses décrets solennels (le Pape enseignant ex cathedra, les décrets des conciles œcuméniques), mais aussi dans son Magistère Ordinaire Universel:

« En outre, par la foi divine et Catholique, il faut croire ce qui est contenu dans la Parole de Dieu écrite ou dans la Tradition, et qui est proposé par l’Église comme un objet de foi divinement révélé, que ce soit par un arrêt solennel ou par son Magistère Ordinaire Universel. »

Vatican I, Dei Filius, Chapitre 3, Paragraphe IV

Penser le contraire reviendrait à dire que le Christ a trompé son Église et que le Saint-Esprit, l’Esprit de Vérité, qui demeure avec les Apôtres et leurs successeurs, a laissé l’Église tomber dans ces erreurs manifestes.

Dans ces conditions sans précédent, nous devons examiner la situation des vrais évêques Catholiques. Face à la grande apostasie prédite par saint Paul dans sa deuxième épître aux Thessaloniciens, qu’auraient-ils du faire ? Devaient-ils ne rien faire ?

Les adversaires actuels de la consécration d’évêques répondent par l’affirmative. Ainsi, à la mort de ces évêques Catholiques traditionnels qui sont restés fidèles à la vraie foi, il ne serait pas resté d’évêques pour leur succéder. Et sans évêques, il n’y aurait finalement pas de prêtres, pas de Messe, et pas de Sacrements.

Pourtant, Notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ a promis à Ses Apôtres et à leurs successeurs qu’il serait « avec eux tous les jours jusqu’à la consommation du monde » (Matthieu 28:20). À cet égard, le Concile Vatican I a enseigné:

« Par conséquent, tout comme Il (le Christ) a envoyé les Apôtres, qu’il s’était choisi pour lui-même hors du monde, comme Lui-même a été envoyé par le Père (Jean 20:21), de même aussi il a voulu que des bergers et des docteurs soient dans Son Église jusqu’à la consommation du monde » (Matthieu 28:20)

Afin de préserver la Foi Catholique, le sacerdoce saint et le Saint Sacrifice de la Messe, ces évêques ont pris des mesures appropriées pour assurer la promesse du Christ « qu’il y ait des bergers et des docteurs dans Son Église jusqu’à la consommation du monde. »

Ces mesures ont été prises sans aucune intention de nier la primauté de juridiction du Pontife Romain, l’autorité suprême du Pape. Ces évêques et les prêtres qu’ils ont ordonnés professaient de tout leur cœur la Foi Catholique, qui comprend la doctrine concernant la primauté de juridiction et l’infaillibilité du Pontife Romain. Dans les circonstances prévalant alors, l’office du Pape, qui dure jusqu’à la fin des temps, était vacant. Ainsi, il y avait une impossibilité d’obtenir un mandat pontifical pour autoriser les consécrations épiscopales.

Cela nous amène à considérer les précédents dans l’histoire ecclésiastique de consécrations d’évêques pendant les périodes d’interrègne (vacance du Siège apostolique).

Ce qui suit est un extrait d’Il Nuovo Cattolico Osservatore par le Dr Stephano Filiberto, Docteur en Histoire ecclésiastique:

« Le 29 Novembre 1268, le Pape Clément IV mourut, et commençât alors une des plus longues périodes d’interrègne ou de vacance du siège pontifical dans l’histoire de l’Église Catholique. Les cardinaux à ce moment-là devaient se réunir en conclave dans la ville de Viterbe, mais en raison des intrigues de Carlo d’Anglio, roi de Naples, la discorde éclata entre les membres du Sacré Collège et la perspective d’une élection devenait de plus en plus éloignée. Après presque trois ans, le maire de Viterbe enferma les cardinaux dans un palais, leur permettant seulement le strict minimum pour survivre, jusqu’à ce qu’une décision soit prise qui donnerait à l’Eglise son chef visible. Enfin, le 1er septembre 1271, le Pape Grégoire X fut élu à la Chaire de Pierre. Au cours de cette longue période de vacance du Siège apostolique, la vacance d’office se produisit également dans de nombreux diocèses dans le monde entier. Afin que les prêtres et les fidèles ne puissent pas être laissés sans bergers, des évêques furent élus et consacrés pour combler les sièges vacants. Ainsi furent accomplies au moins vingt-une élections et consécrations dans les différents pays. L’aspect le plus important de ce précédent historique, c’est que toutes ces consécrations d’évêques ont été ratifiées par le Pape Grégoire X, qui a, par conséquent, confirmé la légalité de telles consécrations. »

Voici quelques exemples d’évêques ainsi consacrés au moment de la vacance du Siège apostolique:

  • À Avranches, France, Radulfus de Thieville, consacré en novembre 1269;
  • À Aleria, Corse, Nicolaus Forteguerra, consacré en 1270;
  • À Antivari, Epire (nord-ouest de la Grèce), Caspar Adam, OP, consacré en 1270;
  • À Auxerre, France, Erardus de Lesinnes, consacré en janvier 1271;
  • À Cagli, Italie, Jacobus, consacré le 8 septembre 1270;
  • Au Mans, France, Geoffridus d’Asse, consacré en 1270;
  • À Cefalu, Sicile, Petrus Taurs, consacré en 1269;
  • À Cervia, en Italie, Théodoric Borgognoni, OP, consacré en 1270.

À ce stade, ceux qui s’opposent à la consécration des évêques Catholiques traditionnels de notre temps pourraient faire valoir que le précédent historique cité s’est produit il y a 700 ans et que le Pape Pie XII, en raison de consécrations illicites d’évêques dans l’Église schismatique national de Chine, a décrété que toute consécration d’un évêque effectuée sans mandat pontifical se traduirait par une peine d’excommunication ipso facto pour le consécrateur et le consacré.

Afin de répondre à cette objection, il est nécessaire de comprendre la nature du droit. C’est précisément en raison de l’absence d’une connaissance claire des principes de droit que beaucoup de Catholiques traditionnels tombent dans l’erreur. Saint Thomas d’Aquin définit le droit comme une ordonnance de la raison, faite pour le bien commun, promulguée par celui qui a le pouvoir dans une société. Notons « faite pour le bien commun. » Au temps du Pape Pie XII, aucun évêque ne pouvait légalement consacrer un autre évêque sans mandat pontifical, et ce fut pour le bien commun de l’Église. Toutefois, une loi peut, dans le cours du temps et par un changement radical de circonstances, cesser d’être pour le bien commun et en tant que telle, ne plus être obligatoire. Une loi peut devenir caduque de deux façons : la cessation extrinsèque (le législateur abroge la loi) et de la cessation intrinsèque (la loi cesse d’être une loi, car elle a cessé d’être pour le bien commun).

L’Archevêque Giovanni Amleto Cicognani, professeur de droit canonique à l’Institut Pontifical de Droit Canon et civil à Rome, a enseigné dans son commentaire:

« Une loi cesse intrinsèquement lorsque son objet n’est plus; la loi cesse alors d’elle-même… la loi cesse extrinsèquement quand elle est révoquée par le Supérieur. Par rapport à la première manière: La fin (celle de son objet ou de sa cause) de la loi cesse de manière adéquate lorsque toutes ses fins cessent. Le but de la loi cesse au contraire quand une loi préjudiciable devient injuste ou impossible à respecter. »

Ainsi, à notre époque, le strict respect du décret du Pape Pie XII sur l’interdiction de la consécration des évêques sans mandat pontifical deviendrait nuisible au salut des âmes. Sans évêques, il n’y aurait finalement pas de prêtres, ni Messes, ni Sacrements.
Était-ce l’intention du législateur, le Pape Pie XII ? Aurait-il voulu que son décret soit strictement interprété comme devant entraîner la fin de la succession apostolique ? Bien sûr que non.

En ce qui concerne un autre aspect de la loi, Mgr Cicognani a expliqué une fois de plus, dans son Commentaire de Droit Canonique la nature de l’epikeia:

« Un législateur humain ne peut jamais prévoir tous les cas individuels auxquels sa loi sera appliquée. Par conséquent, une loi, prise littéralement, peut dans certaines circonstances imprévues, mener à des résultats qui ne s’accordent ni avec l’intention du législateur, ni avec la justice naturelle, mais plutôt les enfreignent. Dans de tels cas, la loi doit être interprétée non pas en fonction de son libellé, mais selon l’intention du législateur. »

Les auteurs suivants nous fournissent des définitions supplémentaires pour cet aspect du droit, l’epikeia:

« Une interprétation soustrayant une personne à la loi, contrairement au clair énoncé de la loi, et conformément à l’esprit du législateur. »

Bouscaren et Ellis, Droit canonique, 1953

« Un favorable et juste interprétation non de la loi elle-même mais de l’esprit du législateur, qui est présumé ne pas être disposé à lier ses sujets dans des cas exceptionnels où le respect de sa loi causerait un dommage ou à imposer un fardeau trop sévère. »

Prummer, Théologie Morale, 1955

« Une interprétation favorable de l’objectif du législateur, ce qui suppose qu’il n’a pas l’intention d’inclure un cas particulier dans le cadre de sa loi. »

Besson, Encyclopédie Catholique, 1909

« La prise raisonnable pour acquis que le législateur ne souhaite pas obliger, dans certains cas particulièrement difficiles, même si le cas est évidemment couvert par le libellé de la loi. »

Jone et Adelman : Théologie Morale, 1951

Une dernière considération dans cette affaire du décret du Pape Pie XII se trouve dans le mot loi (en latin, jus). Il est dérivé des mots latins justitia (la justice) et justum (juste), qui signifient que toutes les lois sont faites pour être bonnes, justes et équitables. C’est la caractéristique même du droit. Et de toutes les lois, la loi suprême est le salut des âmes, « Salus animarum, lex suprema. »

Le Pape Pie XII déclarait dans son discours aux séminaristes de Rome, le 24 juin 1939:

« Le Droit Canon est également dirigé vers le salut des âmes, et le but de tous ses règlements et lois est que les hommes vivent et meurent dans la sainteté qui leur est donnée par la grâce de Dieu. »

Afin de survivre spirituellement aujourd’hui, nous avons besoin des grâces du Saint Sacrifice de la Messe et des Sacrements. Mais pour les avoir, nous avons besoin de prêtres, et afin d’avoir des prêtres, nous devons avoir des évêques.

Rendons grâce à Dieu Tout-Puissant, qui, dans sa Providence, a prévu les besoins spirituels de ses ouailles et a fourni les docteurs et les bergers pour poursuivre la mission de l’Église « d’enseigner toutes les nations et de faire tout ce qu’Il a ordonné. »

In Christo Jesu et Maria Immaculata,

Mgr Mark A. Pivarunas, CMRI

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