L’ÉTRANGE THÉOLOGIE DE JEAN-PAUL II – Johannes Dörmann

L’ÉTRANGE THÉOLOGIE DE JEAN-PAUL II ET L’ESPRIT D’ASSISE
DU DEUXIÈME CONCILE DU VATICAN À L’ÉLECTION PAPALE
Johannes Dörmann, éclaire d’un jour nouveau les soubassements de la cérémonie interreligieuse d’Assise, considérée par beaucoup comme une des inventions post-conciliaires les plus choquantes.
Pourtant il ne faut voir dans cette entreprise qui dépasse les bornes de l’œcuménisme le plus large, que l’aboutissement logique de Vatican II.
Jean-Paul II est, parmi les prélats qui ont participé au dernier concile, un de ceux qui l’ont le mieux compris. On peut donc se fier à l’interprétation qu’il en donne.
L’usurpateur est resté fidèle à la pensée qui était sienne étant père conciliaire et il n’a fait à Assise que donner une représentation visible de la théologie exposée lors de la retraite qu’il prêcha au Vatican en 1976 à Paul VI et à ses collaborateurs.
Si un événement tel que le culte interreligieux d’Assise avait été organisé sur l’initiative particulière d’un évêque, le cardinal Ratzinger aurait pu le classer parmi les excès produits par ces fausses interprétations du Concile qu’il déplore comme étant les fruits de ce qu’il nomme «l’anti-esprit» du Concile.
Mais là comme ailleurs sa thèse tombe à faux, car c’est « le Pape », interprète autorisé des documents conciliaires, qui a conduit toute l’Église à cette cérémonie blasphématoire que seule peut justifier la théorie de la rédemption universelle dont il se fait le promoteur.
Sous ce jour, il réinterprète toute la foi chrétienne, en particulier le rôle de médiateur de Notre-Seigneur Jésus-Christ et l’article de foi par lequel nous confessons l’Église, Une, Sainte, Catholique et Apostolique. Jésus-Christ et Son Église ne sont pas niés explicitement : ils deviennent facultatifs.
Ayant bradé la foi catholique, ceux qui devraient la défendre s’adonnent désormais dans le meilleur des cas à la défense de la morale naturelle. Sans succès car ils le font à la manière des philosophes, et qui plus est, avec une mauvaise philosophie.
Cette attitude n’a rien de surprenant chez ceux qui pensent que la révélation chrétienne a pour but de révéler l’homme à lui-même, mais on ne s’étonnera pas non plus que ces efforts restent stériles, car la nature humaine blessée par le péché originel ne peut être guérie par la prédication d’une philosophie vaguement religieuse, mais par la croix du Christ et la grâce qu’Il nous a méritée.
Souhaitons que la diffusion de cet ouvrage encourage les lecteurs à se remettre à l’étude de la saine philosophie abandonnée par le Concile et les aide à se garder d’une fausse théologie, qui n’a peut-être pas encore pénétré au niveau de la majorité des fidèles, mais qui est d’ores et déjà communément enseignée dans tous les séminaires ou presque, et qui aboutira nécessairement à une nouvelle religion subjectiviste et naturaliste, incapable de procurer le salut éternel.

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D’une part, « L’étrange théologie de Jean-Paul II » est un livre, INDISPENSABLE, de Johannes Dormann, et les deux livres du même auteur consacrés, respectivement, à Redemptor hominis et à Dives in misericordia, de Jean-Paul II, constituent deux autres livres.
D’autre part, il existe avant tout une philosophie wojtylienne de la religion, qui prend appui, notamment, sur les auteurs suivants : Buber, Scheler, Jaspers, Eliade, Levinas, Ricoeur, et sur les courants suivants : l’intersubjectivisme, le phénoménologisme et le transcendantalisme (à ne pas confondre avec le transcendantisme).
Il n’existe donc pas avant tout une théologie wojtylienne des religions non chrétiennes qui prendrait appui sur l’Écriture et sur tels Pères ou Docteurs de l’Eglise, mais une philosophie wojtylienne de la religion qui a des conséquences doctrinalo-pastorales sur la conception globale des réflexions et des relations vers les religions non chrétiennes.
Avec cette philosophie de la religion, et avec le Magistère et la pastorale qui en découlent, nous sommes en présence de l’une des manifestations les plus impressionnantes de la transformation du christianisme catholique en une espèce de panchristisme postmoderne, la théologie de l’accomplissement du cardinal Daniélou étant ici dépassée par un regard et un discours potentiellement et tendanciellement incorporateurs de toutes les religions à un même ensemble meta-religieux, au service du bonheur de l’homme et de la paix dans le monde.
Pourquoi ou comment autant de catholiques se sont-ils fait autant avoir par le dialogue inclusiviste interreligieusement correct wojtylien, alors que celui-ci est allé tellement loin, dans la décatholicisation du regard et du discours sur les religions non chrétiennes, que Rome a failli s’aligner explicitement et officiellement sur la vision onusienne de la religion et des religions, en l’an 2000 ?
Il y a eu un certain aveuglement des catholiques, qui a découlé du « capital confiance » dont on a bénéficié Jean-Paul II, compte tenu de son charisme personnel et de son enseignement en matière morale et en matière sociale, et il y a eu aussi une certaine ignorance, par les catholiques, des origines philosophiques de sa conception de la religion et des relations, inclusives ou partenariales, et non conversives ou théologales, avec les religions non chrétiennes.
Les jeunes catholiques d’aujourd’hui ne soupçonnent pas l’idealisation dont Jean-Paul II a été l’objet, de son élection à sa mort, et cette survalorisation a grandement nuit à la lucidité sur « son » dialogue interreligieux, qui a eu pour objet puis pour effet de mettre toute l’Eglise catholique « en position Assise ».
En effet, il est possible de dire que le dialogue interreligieux mis en oeuvre par les hommes d’Eglise est avant tout wojtylien ou, si l’on veut, post-wojtylien, en ce que ce dialogue, repérable par ses expressions ET par ses omissions, n’a pas été élaboré, au Concile, ni utilisé, par Paul VI, au point de se traduire par le recours à de tels procédés rhétoriques dans de telles proportions thématiques, pour ainsi dire.
Je dirais que la description de cette philisophie implique que l’un égale l’autre…
Si c’est un critère de dérive, rappelons que déjà Vatican II s’appuya pour des points essentiels sur Maritain, autre représentant de cette « vision onusienne de la religion et des religions », et faillit aller jusqu’à récuser le témoignage des Évangiles, n’en étant empêché que par… la menace de rupture du « dialogue œcuménique » par des Églises non-catholiques.
« Chi va piano va sano e chi va sano va lontano » : on n’a donc pas fini d’en rajouter dans l’apostasie.
https://en.wikipedia.org/wiki/Léon_Bloy#Influence
R. Barbeau, sur Léon Bloy (Un Prophète luciférien) :
S’éloignant selon moi du catholicisme, Barbeau renia plus tard son analyse de la doctrine émanant des écrits de Bloy.
L’apostasie dont il est question ici se traduit au minimum par l’abandon ou le reniement de la distinction exclusiviste entre la religion chrétienne, en tant que religion révélée, et les religions non chrétiennes, en tant que religions erronées, et peut conduire jusqu’à l’omission ou la transgression de la distinction, tout aussi exclusiviste, entre Jésus-Christ, en tant que seul Médiateur et seul Prophète, et les faux médiateurs ou les faux prophètes, inspirateurs ou instaurateurs des diverses religions ou traditions non chrétiennes.
Dans cette affaire, est également apostasiee la conception d’après laquelle la caritas veritatis et la veritas caritatis sont dues aux croyants non chrétiens ; ce qui est « dû », dorénavant, aux croyants non chrétiens, c’est le consensus inclusif, et ce qui est « dû », également, aux croyances non chrétiennes, c’est une estime quasiment sans limites.
En outre, compte tenu du fait que Jean-Paul II recourait constamment aux mêmes stéréotypes pour vanter les mérites du dialogue interreligieux et des religions non chrétiennes, on est vraiment en droit de se demander quelle était sa connaissance effective, un tant soit peu en profondeur, de l’une ou l’autre de ces religions…
Enfin, on est aussi en droit de se poser la question de savoir si l’un des objectifs des abjurateurs irénistes n’est pas d’empêcher à tout prix l’apparition ou l’émergence, depuis l’intérieur de l’Eglise catholique, d’un tout autre regard et d’un tout autre discours, intransigeants et réalistes, et non lénifiants ni utopistes, sur la religion chrétienne et sur les religions non chrétiennes.
En tout cas, une telle insistance, aussi fréquente, de tant de théologiens et de tant d’évêques, sur l’importance et la nécessité du dialogue interreligieux, est tout à fait suspecte, puisqu’elle émane de clercs qui insistent fort peu, par ailleurs, sur l’importance et la nécessité de l’annonce courageuse et dissensuelle de Jésus-Christ par les croyants chretiens, et sur celles de la conversion, elle aussi courageuse et dissensuelle, vers Jésus-Christ, des croyants non chrétiens.
Honte à moi : j’ai écrit que la description de cette philisophie impliquait que l’un égale l’autre… et l’on croirait, à cause de la citation qui précède, que je voudrais dire que la philosopie des religions s’exprimant dans les écrits de Jean-Paul II équivaudrait à une théologie s’appuyant sur les Pères et Docteurs de l’Église.
J’aurais dû écrire qu’une telle philosophie des religions manifestait l’existence d’une théologie, ou équivalait à une théologie ; or je crois qu’elle n’a rien à voir avec celle qu’enseignait l’Église catholique.
Je dis, à partir par exemple des éléments que j’ai cités plus haut, que cette théologie est une construction cohérente, qui s’installe à la place de la théologie de l’Église, et avance ses pions lentement, mais toujours dans la même direction.
Il est certain que nous sommes passés, en moins d’un siècle, de l’exclusivisme ante et anti moderniste à la théologie de l’accomplissement (Daniélou) puis de celle-ci à l’inclusivisme (Rahner), puis de celui-ci à une pseudo ou quasi théologie de l’incorporation (Jean-Paul II), puis de celle-ci au pluralisme religieux (Dupuis) puis de celui-ci à une forme d’oecuménisme ou à une sorte de perspectivisme interreligieux (Hans Kung).
Dans cette affaire, plusieurs contradictions internes sont particulièrement singulières : ainsi, c’est le même pape, Jean-Paul II, qui a été à la fois non anti-moderniste ad extra, dans sa conception des religions non chrétiennes, et non philo-moderniste, dans sa conception de la morale chrétienne, ce qui a généré, incontestablement, une bi-polarisation ou une mise sous tension, au sein même de son Magistère et de sa pastorale.
Et ce sont les mêmes catholiques, conciliaires conservateurs, wojtyliens puis post-wojtyliens, qui considèrent qu’il n’existe pas de « points non négociables » en matière religieuse (sinon ils seraient contre l’esprit d’Assise) et qu’il existe des « points non négociables » en matière morale.
Cela explique que certains d’entre eux vivent très mal le pontificat de François, puisque celui-ci, manifestement, n’exclut pas de faire en sorte que le dialogue oecuméniste interconfessionnellement correct et le dialogue inclusiviste interreligieusement correct soient complétés par une espèce de dialogue unanimiste interconvictionnellement correct, d’où ses deux lettres encycliques Laudato si et Fratelli tutti.
Autre remarque : il est question ici d’une « étrange théologie » de Jean-Paul II, mais il faudrait préciser qu’il s’agit avant tout d’une « étrange anthropologie », d’après laquelle toutes les religions sont porteuses (en puissance ou en acte ?) des mêmes valeurs morales et spirituelles humaines, et que Jean-Paul II n’est pas allé jusqu’à une pneumatologie explicite, ou n’est pas allé jusqu’au bout des conséquences, ou des répercussions, de sa pneumatologie implicite, sur l’inspiration divine de ces valeurs humaines.
Disons-le autrement : le pape de l’esprit d’Assise a été, au minimum, le pape de « l’équilibre dans le déséquilibre », id est de l’équilibre plus officiel qu’effectif entre l’annonce et le dialogue, comme en témoigne sa lettre encyclique Redemptoris missio, publiée quatre ans après la journée d’Assise d’octobre 1986.
Enfin, il serait particulièrement intéressant de savoir ce que le pape du discours de Casablanca (1985) a pensé de « l’esprit de Tibhirine », parce qu’au coeur de cet esprit, précisément, le père de Cherge est allé jusqu’au bout de sa conception et de sa conduite du dialogue interreligieux, en l’occurrence islamo-chrétien, au point d’aller aussi jusqu’au bout des conséquences ou des répercussions pneumatologiques de ce dialogue, au moyen d’un syntonisme, sinon d’un syncrétisme, synonyme d’apostasie caractérisée.
Toutes ces questions sont en effet fort intéressantes, et pourraient se résumer à ceci : qu’y a-t-il au fond du cœur des agents, au sein de l’Église, de ce mouvement dont Vatican II n’est qu’une étape intermédiaire visible ?
La discussion sur les détails des ressorts de la pensée de chacun est par nature impossible à mener à terme.
Ce qui me semble manifeste, dès lors qu’on accepte de considérer les modifications ou altérations apportées dans tous les domaines à la foi, à ses rites, à ses traditions, et qu’on connaît leurs sources, est qu’il s’agit d’une entreprise délibérée, mais dans laquelle des individus, par perversité profonde ou par foi sincère, peuvent se trouver engagés pour des motifs variés et parfois opposés.
Plutôt que d’entreprendre une étude philosophique extensive des écrits publiés, lesquels comportent forcément une part artificielle sinon de mise en scène, étude philosophique extensive destinée à ne jamais aboutir, il me semble plus sage de chercher des éléments biographiques et historiques, seuls susceptibles d’apporter un éclairage, si imparfait soit-il, sur les motivations des uns et des autres.