Les cours magistraux de Bernard Faÿ

Bernard Faÿ, né le 3 avril 1893 à Paris et mort le 31 décembre 1978 à Tours, est un historien et essayiste français. Professeur au Collège de France, il se rallie dès 1940 au maréchal Pétain et est administrateur général de la Bibliothèque nationale sous le régime de Vichy. Condamné en 1945 à l’emprisonnement à perpétuité et à l’indignité nationale pour collaboration avec l’occupant allemand, il est gracié en 1959 par le président René Coty.

Bernard Faÿ joue un rôle très important dans la politique anti-maçonnique de Vichy qui considère que la franc-maçonnerie a une influence négative sur la France, causant son abaissement tant sur le plan intérieur qu’extérieur. D’opinion politique royaliste, Bernard Faÿ appartient au courant contre-révolutionnaire qui se reconnaît dans le discours passéiste et rural de Vichy qui veut remédier à ce qu’il perçoit comme le déclin de la France.

AJOUTEZ VOTRE COURRIEL POUR RECEVOIR NOS ACTUALITÉS

Catholiques de France

Catholiques de France

Ce site a pour ambition de défendre le magistère et la Foi Catholique dans son intégralité et sans concession, dans un esprit de foi et de charité. Notre devise : Pour sauver la France éternelle conservons la Foi de nos pères.

6 thoughts on “Les cours magistraux de Bernard Faÿ

  1. Pour bien comprendre la franc-maçonnerie, il faut connaître la cabale, qui est l’essentiel de sa culture.
    https://catholiquedefrance.fr/lhistoire-et-linfluence-de-la-kabbale/

    Un ouvrage d’Arthur Preuss (Étude sur la franc-maçonnerie américaine, imprimatur de John J. Glennon, archevêque de Saint-Louis, du 13 mai 1908) est très utile sur ces questions.

    On croit souvent que la franc-maçonnerie exercerait son influence sur l’Église par les modernistes : c’est à moitié vrai. En fait elle exerce son influence par une partie des modernistes et par une partie des traditionalistes, les ultras (plus papistes que le pape et plus royalistes que le roi).

    Nostrā Ætate caractérise le changement de l’attitude de l’Église de Vatican II envers les autres religions en général, envers le judaïsme en particulier. Or, dès 1928, trente ans avant Jean XXIII, et trente-sept avant cette déclaration, la même position faillit être adoptée, n’étant arrêtée que par le Saint-Office.

    Les promoteurs en avaient alors été des hommes comme Jacques Maritain (également un des inspirateurs de Vatican II) ou le théologien antimoderniste Garrigou-Lagrange. Maritain, élève de Bergson, né dans une famille protestante républicaine, s’était converti sous l’influence de Léon Bloy, lui-même né dans une famille maçonnique et devenu auteur officiellement catholique et en réalité luciférien effréné (ses délires sur le secret de La Salette amenèrent le Saint-Office à interdire non de diffuser ce secret, mais de prétendre l’interpréter). Bloy avait écrit un ouvrage qui faisait déjà de l’Épître aux Romains, dès 1892, la même lecture que Nostrā Ætate en 1965.

    Bloy s’était officiellement converti sous l’influence de Jules Barbey d’Aurevilly, auteur cabaliste. Celui-ci fut un des piliers des mouvements dénonçant la modernité. La revue ultra L’Univers crut en sa sincérité, bien que son luciférisme ne soit pas trop difficile à discerner, ni les influences maçonniques qu’il adjoignit aux ultras.

    Dès le départ, par le proto-moderniste Lamennais et par le franc-maçon luciférien Joseph de Maistre, ou par Louis XVIII (franc-maçon lui aussi, et qui joua un rôle dans l’exécution de Louis XVI, qui était pourtant son propre frère), le mouvement ultra fut inspiré par des hommes qui, pour être ennemis des modernistes, sur bien des sujets avançaient en harmonie parfaite avec ce que le modernisme avait de pire.

  2. LAUDATE JESUS CHRISTE ,
    Loué soit Jésus-Christ ,
    TOUS CEUX QUI N AFFICHENT PAS PUBLIQUEMENT l attachement à la sainte Croix du Christ sont franc-maçons ou dérivés
    ” Pas de salut en dehors du Christ-Ressuscité ”
    les attaques depuis l empire romain contre le peuple chrétien jusqu’à à nos jours par les satanistes , l islam , franc-maçonnerie et autres sectes sont normal : c est le combat du mal contre le bien et ceci jusqu’à la fin des temps
    le Christ Lui-même , saint est son Nom , n a pas contredit le terme de prince de ce monde à satan lors de la confrontation au désert : Lucifer est bien le chef de ce monde où nous vivons !
    par le biais des révolutions, de la franc-maçonnerie, le wokisme , le transgenre etc etc etc …… les forces du mal cherchent à éloigner l homme de Dieu , l Eternel , son Créateur !
    l infiltration par vatican 2 des franc-maçons est une étape importante
    il est important que le ver (le mal) entre dans le fruit pour le pourrir de l intérieur et quand ce fruit sera complètement gangréner il tombera de lui-même au sol , ainsi en sera t il de notre société
    PRIONS LE CHRIST et surtout restons accrocher au manteau du Bon Berger Jésus le Bien-aimé , le Maître de la vie !

    1. On espère que c’est de l’humour.

      À part le rappel qu’il n’y a pas de salut hors du Christ, cette proclamation bouillonnante est un tissu d’hérésies et de contre-vérités historiques.

      L’Église a reconnu qu’on pouvait n’être séparés du Christ que par une ignorance invincible, ce qui est l’opposé de l’affirmation « TOUS CEUX QUI N AFFICHENT PAS PUBLIQUEMENT l attachement à la sainte Croix du Christ sont franc-maçons ou dérivés
      » (…) »
      les attaques depuis l empire romain contre le peuple chrétien jusqu’à à nos jours par les satanistes , l islam , franc-maçonnerie et autres sectes sont normal : c est le combat du mal contre le bien
      » ; celle-ci est d’ailleurs en opposition avec le témoignage des Évangiles, qui nous dit que ce furent les pharisiens qui lancèrent les attaques contre les disciples du Christ, et que les Romains, eux, traînèrent les pieds. L’histoire aussi rappelle que l’empereur romain Trajan avait rendu impossibles les persécutions contre l’Église, bien qu’il fût païen, et pendant près d’un siècle et demi les chrétiens vécurent en paix dans cet empire dont la culture s’apprêtait à recevoir les Évangiles.

      Une telle profession de foi ressortit au manichéisme le plus effervescent et rappelle les délires du franc-maçon ophite Léon Bloy, un des pires responsables de l’apostasie de Vatucan II, bien qu’il fût l’inverse d’un moderniste (car la réalité n’est jamais manichéenne).

      1. J’ai écrit que Trajan (qui régna de l’an 98 à l’an 117 de Jésus-Christ) avait rendu impossibles les persécutions contre les chrétiens, et que ceux-ci vécurent en paix pendant près d’un siècle et demi : la première affirmation mérite d’être expliquée, la seconde est inexacte.

        Les chrétiens de ce temps étaient exclus après la condamnation de Jésus par le Sanhédrin, frappés de « hérem » (anathème ; pour les conséquences, voir l’Évangile de saint Mathieu, ch. XVIII, v. 17 : S’il refuse de les écouter, dis-le à l’Église; et s’il refuse aussi d’écouter l’Église, qu’il soit pour toi comme un païen et un publicain. ). Contre eux des appels à la persécution se faisaient sporadiquement entendre. Dans l’ensemble, le pouvoir impérial les ignora, mais à l’occasion les sacrifia à la vindicte de la foule. Notons que l’histoire de l’expulsion (sous Claude, en l’an 49, conjointe à celle des Juifs, avec lesquels on les confondait dans leurs confrontations) et celle des atrocités qu’ils subirent sous Néron (qui régna de l’an 54 à l’an 68 de Jésus-Christ) est rapportée par des auteurs, Suétone et Tacite, hostiles tant aux empereurs qu’à ces premiers chrétiens, et dont on peut prouver qu’ils mentirent contre les empereurs (de la façon la plus caricaturale pour le premier), tandis que nous savons que ce qu’ils dirent du christianisme était faux.

        Le reproche que l’Empire faisait aux chrétiens semble avoir été de contrevenir à un édit interdisant les sociétés religieuses (hĕtǽrĭă, æ, f : confrérie, collège, société ; en grec : ἡ ἑταιϱία, τῆς ἑταιρίας, ou ἑταιϱεία, -ας (ἡ) : association de camarades, association politique, association d’amis, groupe, troupe, troupeau). Un auteur (Giovannini Adalberto. L’Interdit contre les chrétiens : raison d’État ou mesure de police ? In: Cahiers du Centre Gustave Glotz, 7, 1996. pp. 103-134 ; doi : https://doi.org/10.3406/ccgg.1996.1400 https://www.persee.fr/doc/ccgg_1016-9008_1996_num_7_1_1400) estime que, ses membres étant sincèrement crus coupables de l’incendie de Rome, le christianisme aurait été interdit, la simple appartenance (le nomen, c’est-à-dire le seul nom) étant dès lors un crime capital. Cependant une lettre de gouverneur fait allusion aux hetæriæ en général, non à une en particulier.

        Voici la lettre de ce gouverneur, Pline le Jeune,, et la réponse de Trajan, traduits par Louis-Silvestre de Sacy, académicien contemporain de Louis XIV, en une édition de 1829, dans la Bibliothèque latine-française, collection publiée « sous les auspices de son altesse royale monsieur le dauphin », c’est-à-dire Louis de France (1775-1836), alors fils du roi régnant (Charles X), neveu des deux prédécesseurs (Louis XVIII et Louis XVI) de celui-ci, cousin de Louis XVII, et lui-même connu sous le nom de Louis XIX. Cette édition bénéficia de la relecture par un certain Jules Pierrot, « professeur de rhétorique au Collège Louis-le-Grand et professeur suppléant d’éloquence française de l’académie de Paris ».
        https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5773559w/f133
        [Les passages entre crochets sont mes gloses[

        XCVII.

        Pline à l’empereur Trajan.

        Je me suis fait un devoir, seigneur, de vous consulter sur tous mes doutes ; car qui peut mieux que vous me guider dans mes incertitudes ou éclairer mon ignorance ? Je n’ai jamais assisté aux informations [enquêtes] contre les chrétiens ; aussi j’ignore à quoi et selon quelle mesure s’applique ou la peine ou l’information. Je n’ai pas su décider s’il faut tenir compte de l’âge, ou confondre dans le même châtiment l’enfant et l’homme fait ; s’il faut pardonner au repentir, ou si celui qui a été une fois chrétien ne doit pas trouver de sauvegarde à cesser de l’être ; si c’est le nom seul, fût-il pur de crime, ou les crimes attachés au nom, que l’on punit. Voici toutefois la règle que j’ai suivie à l’égard de ceux que l’on a déférés à mon tribunal comme chrétiens. Je leur ai demandé s’ils étaient chrétiens. Ceux qui l’ont avoué, je leur ai fait la même demande une seconde et une troisième fois, et les ai menacés du supplice. Quand ils ont persisté, je les y ai envoyés. Car de quelque nature que fut l’aveu qu’ils faisaient, j’ai pensé qu’on devait.punir au moins leur opiniâtreté et leur inflexible obstination. J’en ai réservé d’autres, entêtés de la même folie, pour les envoyer à Rome; car ils sont citoyens romains. Bientôt après, les accusations se multipliant, selon l’usage, par l’attention qu’on leur donnait, le délit se présenta sous un plus grand nombre de formes. On publia un écrit sans nom d’auteur, où l’on dénonçait nombre de personnes qui nient être ou avoir été attachées au christianisme. Elles ont, en ma présence, et dans les termes que je leur prescrivais, invoqué les dieux, et offert de l’encens et du vin à votre image, que j’avais fait apporter exprès avec les statues de nos divinités ; elles ont même prononcé des imprécations contre le Christ : c’est à quoi, dit-on, l’on ne peut jamais forcer ceux qui sont véritablement chrétiens. J’ai donc cru qu’il les fallait absoudre. D’autres, déférés par un dénonciateur, ont d’abord reconnu qu’ils étaient chrétiens, et se sont rétractés aussitôt, déclarant que véritablement ils l’avaient été, mais qu’ils ont cessé de l’être, les uns depuis plus de trois ans, les autres depuis un plus grand nombre d’années, quelques uns depuis plus de vingt ans. Tous ont adoré votre image et les statues des dieux. Tous ont chargé le Christ de malédictions. Au reste, ils assuraient que leur faute ou leur erreur n’avait jamais consisté qu’en ceci : ils s’assemblaient à jour marqué avant le lever du soleil ; ils chantaient tour-à-tour des vers à la louange du Christ, comme d’un dieu ; ils s’engageaient par serment, non à quelque crime, mais à ne point commettre de vol, de brigandage, d’adultère, à ne point manquer à leur promesse, à ne point nier un dépôt [refuser de rendre une somme d’argent] : après cela ils avaient coutume de se séparer, et se rassemblaient de nouveau pour manger des mets communs et innocents. Depuis mon édit, ajoutaient-ils, par lequel, suivant vos ordres, j’avais défendu les associations [post edictum meum quo secundum mandata tua hetærias esse vetueram], ils avaient renoncé à toutes ces pratiques. J’ai jugé nécessaire, pour découvrir l’a vérité, de soumettre à la torture deux femmes esclaves qu’on disait initiées à leur culte : mais je n’ai rien trouvé qu’une superstition ridicule et excessive. J’ai donc suspendu l’information pour recourir à vos lumières : l’affaire m’a paru digne de réflexion, surtout par le nombre des personnes que menace le même danger. Une multitude de gens de tout âge, de tout ordre, de tout sexe, sont et seront chaque jour impliqués dans cette accusation. Ce mal contagieux n’a pas seulement infecté les villes ; il a gagné les villages et les campagnes. Je crois pourtant que l’on y peut remédier, et qu’il peut être arrêté. Ce qu’il y a de certain, c’est que les temples, qui étaient presque déserts, sont fréquentés ; et que les sacrifices, longtemps négligés, recommencent. On vend partout des victimes, qui trouvaient auparavant peu d’acheteurs. De là, on peut juger combien de gens peuvent être ramenés de leur égarement, si l’on fait grâce au repentir.

        La réponse de l’empereur :

        XCVIII.

        Trajan à Pline.

        Vous avez fait ce que vous deviez faire, mon cher Pline, dans l’examen des poursuites dirigées contre les chrétiens. Il n’est pas possible d’établir une forme certaine et générale dans cette sorte d’affaires. Il ne faut pas faire de recherches [spontabées[ contre eux : s’ils sont accusés et convaincus, il faut les punir ; si pourtant l’accusé nie qu’il soit chrétien, et qu’il le prouve par sa conduite, je veux dire en invoquant les dieux, il faut pardonner à son repentir, de quelque soupçon qu’il ait été auparavant chargé. Au reste, dans nul genre d’accusation, il ne faut recevoir de dénonciation sans signature : cela serait d’un pernicieux exemple et contraire aux maximes de notre règne.

        L’État ne prendrait pas l’initiative de poursuites ; les accusations anonymes seraient ignorées (et des accusations ouvertes pouvaient se retourner contre leurs auteurs) ; le pardon serait accordé. Malgré quoi il y eut occasionnellement des victimes.

        Dans son Apologétique, le chrétien Tertullien commenta cette décision.
        https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k90980s.f22

        CHAPITRE II

        1. Enfin, s’il est certain que nous [les chrétiens] sommes de grands criminels, pourquoi sommes-nous traités autrement par vous-mêmes que nos pareils, c’est-à-dire que les autres criminels ? En effet, si le crime est le même, le traitement devrait être aussi le même. 2. Quand d’autres sont accusés de tous ces crimes dont on nous accuse, ils peuvent, et par eux-mêmes et par une bouche mercenaire, prouver leur innocence ; ils ont toute liberté de répondre, de répliquer, puisqu’il n’est jamais permis de condamner un accusé sans qu’il se soit défendu, sans qu’il ait été entendu. 3. Aux chrétiens seuls, on ne permet pas de dire ce qui est de nature à les justifier, à défendre la vérité, à empêcher le juge d’être injuste ; on n’attend qu’une chose, celle qui est nécessaire à la haine pubtique : l’aveu de leur nom et non une enquête sur leur crime. 4. Au contraire, si vous faites une enquête sur quelque criminel, il ne suffit pas, pour prononcer, qu’il s’avoue coupable d’homicide, ou de sacrilège, ou d’inceste, ou d’hostilité envers l’État, pour ne parler que des inculpations lancées contre nous. Vous l’interrogez aussi sur les circonstances, la qualité du fait, le nombre, le lieu, le temps, les témoins, les complices. 5. Avec nous, rien de semblable, et pourtant il faudrait également essayer de nous arracher l’aveu de ces crimes qu’on nous impute faussement : de combien d’enfants égorgés chacun a déjà goûté, combien d’incestes il a commis à la faveur des ténèbres, quels cuisiniers, quels chiens ont assisté. Quelle gloire pour un gouverneur, s’il découvrait un chrétien qui aurait déjà goûté de cent enfants !

        6. Au contraire, nous voyons qu’il a même été défendu d’informer contre nous. En effet, Pline le Jeune, gouvernant une province, après avoir condamné quetques chrétiens, après en avoir démonté [impressionné] quelques uns, effrayé toutefois de leur grand nombre, consulta l’empereur Trajan sur ce qu’il devait faire dans la suite. Il lui exposait que, sauf l’obstination des chrétiens à ne pas sacrifier, il n’avait pu découvrir, au sujet de leurs mystères, que des réunions tenues avant le lever du soleil pour chanter des cantiques en l’honneur du Christ comme en l’honneur d’un dieu, et pour s’astreindre tous ensemble à une discipline qui défend l’homicide, l’adultère, la fraude, la perfidie et les autres crimes. 7. Alors Trajan lui répondit que les gens de cette espèce ne devaient pas être recherchés, mais que, s’ils étaient déférés au tribunal, il fallait les punir.

        8. Oh ! l’étrange arrêt, illogique par nécessité ! II dit qu’il ne faut pas les rechercher, comme s’ils étaient innocents, et il prescrit de les punir, comme s’ils étaient criminels ! Il épargne et il sévit, il ferme les yeux et il punit. Pourquoi, ô censeur, te contredire ainsi toi-même ? Si tu les condamnes, pourquoi ne les recherches-tu pas aussi ? Si tu ne les recherches pas, pourquoi ne les absous-tu pas aussi ? Pour la recherche des brigands, il y a dans chaque province un détachement militaire désigné par le sort ; contre les criminels de tése-majesté et les ennemis de l’État, tout homme est soldat et la recherche s’étend aux complices, aux confidents. 9. Le chrétien seul, il n’est pas permis de le rechercher, mais il est permis de le dénoncer, comme si la recherche avait un autre but que la dénonciation ! Vous condamnez donc un chrétien dénoncé, alors que personne n’a voulu qu’il fût recherché ! Et je le crains bien, s’il mérite un châtiment, ce n’est pas parce qu’il est coupable, mais parce qu’il s’est fait prendre, alors qu’il ne devait pas être recherché.

        10. Mais voici un autre point, où vous ne nous traitez pas non plus d’après les formes de la procédure criminelle : c’est que, quand les autres accusés nient, vous leur appliquez la torture pour les faire avouer ; aux chrétiens seuls vous l’appliquez pour les faire nier. Et pourtant, si c’était un crime d’être chrétien, nous nierions et vous auriez recours à la torture pour nous forcer d’avouer. Et en effet, il n’est pas vrai que vous croiriez inutile de rechercher par la torture les crimes des chrétiens, parce que l’aveu du nom de chrétien vous donnerait la certitude que ces crimes sont commis : car vous-mêmes, chaque jour si un meurtrier avoue, bien que vous sachiez ce que c’est que l’homicide vous lui arrachez par la torture les circonstances de son crime. 11. Par conséquent, c’est contrairement à toutes les règles de la justice que, présumant nos crimes d’après l’aveu de notre nom, vous nous forcez par la torture à rétracter notre aveu, pour nous faire nier, en même temps que notre nom, tous les crimes que l’aveu du nom vous avait fait présumer.

        12. Mais peut-être ne voulez-vous pas que nous périssions, nous que vous considérez comme de grands scélérats ! Voilà pourquoi, sans doute, vous avez coutume de dire à un homicide : « Nie » ; et un sacrilège, vous le faites déchirer, s’il persiste à avouer. Si vous n’en agissez pas ainsi envers des criminels, vous nous jugez donc tout à fait innocents ; vous ne voulez pas que nous persévérions dans un aveu que vous savez devoir condamner par nécessité et non par justice..

        https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k90980s.f32

        CHAPITRE V

        1. Pour remonter à l’origine des lois de ce genre, il existait un vieux décret qui défendait qu’un dieu fût consacré par un imperator [général victorieux proclamé de ce titre par ses hommes sous la république ; titre réservé à l’empereur d’un général dont l’armée jugeait qu’il avait remporté une grande victoire, sous la monarchie ; en raison de ce monopole du souverain, imperator a donné empereur], s’il n’avait été agréé par le Sénat. Marcus Æmilius l’a appris à propos de son dieu Alburnus. C’est encore un point qui est utile à notre cause : chez vous, c’est le bon plaisir de l’homme qui décide de la divinité. Si un dieu n’a pas plu à l’homme, il ne sera pas dieu ; voità donc que l’homme devra être propice au dieu. 2. Donc Tibère, sous le règne de qui le nom chrétien a fait son entrée dans le siècle, fit rapport au Sénat sur les faits qu’on lui avait annoncés de Syrie-Palestine, faits qui avaient révélé là-bas la vérité sur la divinité du Christ, et il les appuya le premier par son suffrage. Le Sénat, ne les ayant pas agréés tui-même, les rejeta. César [avec auguste, c’est l’un des deux titres officiels de l’empereur] persista dans son sentiment et menaça de mort les accusateurs des chrétiens. 3. Consultez vos annales et vous y trouverez que Néron le premier sévit avec le glaive impérial contre notre secte, qui naissait alors précisément à Rome. Qu’un tel prince ait pris l’initiative de nous condamner, c’est pour nous un titre de gloire. Car qui connaît Néron peut comprendre que ce qu’un Néron a condamné ne peut être qu’un grand bien. 4. Un essai fut tenté aussi par Domitien, ce demi-Néron par ia cruauté, mais comme il lui restait quelque chose de l’homme, il renonça vite à son projet et rappela même ceux qu’il avait exilés. Tels furent toujours nos persécuteurs, hommes injustes, impies, infâmes ; vous-mêmes avez coutume de les condamner et vous rappelez toujours ceux qu’ils ont condamnés.

        5. Mais parmi tant de princes qui suivirent jusqu’à nos jours, de tous ceux qui ont le respect des lois divines et humaines, citez-en un seul qui ait fait la guerre aux chrétiens. 6. Nous, au contraire, nous pouvons citer parmi eux un protecteur des chrétiens, si l’on veut bien rechercher la lettre de Marc-Aurèle, ce très sage empereur, dans laquelle il atteste que la soif cruelle qui désolait l’armée de Germanie fut apaisée par une pluie accordée par hasard aux prières de soldats chrétiens. S’il n’a pas expressément révoqué l’édit de persécution, il en a publiquement neutralisé les effets d’une autre manière, en menaçant même les accusateurs d’une peine, et d’une peine plus rigoureuse encore. 7. Que penser donc de ces lois que seuls exécutent contre nous des princes impies, injustes, infâmes, cruels, extravagants, insensés, que Trajan éluda en partie en défendant de rechercher les chrétiens, que ne fit jamais appliquer un Vespasien, bien qu’il fût le destructeur des Juifs, jamais un Hadrien, curieux scrutateur de toutes choses, jamais un Antonin le Pieux, jamais un Vérus. 8. Et pourtant, des scélérats devraient, à coup sûr, être exterminés par les meilleurs princes, leurs ennemis naturels, plutôt que par leurs pareils.

        Le grand Tertullien, premier à expliciter la Trinité, mais aussi homme intransigeant qui eut plus d’imagination que de force d’analyse, et qui termina dans une secte exaltée, répète sur les empereurs, en bien ou en mal, le jugement des ennemis des chrétiens. Il n’est pas vraisemblable que Tibère aurait reconnu le dieu chrétien. Marc-Aurèle n’a jamais mentionné la pluie comme due à ce dieu ; d’autres grands auteurs chrétiens, plus tardifs que Tertullien, firent même de ce souverain un grand persécuteur, mais Terullien est lui un témoin direct de ce règne, et non par ouï-dire contrairement à eux. Quoi qu’il en fût, lTertullien prouve que les autorités impériales de son temps n’étaient pas acharnées contre le christianisme.

      2. J’ai écrit que Trajan (qui régna de l’an 98 à l’an 117 de Jésus-Christ) avait rendu impossibles les persécutions contre les chrétiens, et que ceux-ci vécurent en paix pendant près d’un siècle et demi : la première affirmation mérite d’être expliquée, la seconde est inexacte.

        Les chrétiens de ce temps étaient exclus après la condamnation de Jésus par le Sanhédrin, frappés de « hérem » (anathème ; pour les conséquences, voir l’Évangile de saint Mathieu, ch. XVIII, v. 17 : S’il refuse de les écouter, dis-le à l’Église; et s’il refuse aussi d’écouter l’Église, qu’il soit pour toi comme un païen et un publicain. ). Contre eux des appels à la persécution se faisaient sporadiquement entendre. Dans l’ensemble, le pouvoir impérial ignora les chrétiens, mais à l’occasion les sacrifia à la vindicte de la foule. Notons que l’histoire de l’expulsion (sous Claude, en l’an 49, conjointe à celle des Juifs, avec lesquels on les confondait dans leurs confrontations) et celle des atrocités qu’ils subirent sous Néron (qui régna de l’an 54 à l’an 68 de Jésus-Christ) est rapportée par des auteurs, Suétone et Tacite, hostiles tant aux empereurs qu’à ces premiers chrétiens, et dont on peut prouver qu’ils mentirent contre les empereurs (de la façon la plus caricaturale pour le premier), tandis que nous savons que ce qu’ils dirent du christianisme était faux.

        Le reproche que l’Empire faisait aux chrétiens semble avoir été de contrevenir à un édit interdisant les sociétés religieuses (hĕtǽrĭă, æ, f : confrérie, collège, société ; en grec : ἡ ἑταιϱία, τῆς ἑταιρίας, ou ἑταιϱεία, -ας (ἡ) : association de camarades, association politique, association d’amis, groupe, troupe, troupeau). La correspondance d’un gouverneur mentionne l’interdiction de ces sociétés.

        Voici la lettre de ce gouverneur, Pline le Jeune,, et la réponse de Trajan, traduits par Louis-Silvestre de Sacy, académicien contemporain de Louis XIV, en une édition de 1829, dans la Bibliothèque latine-française, collection publiée « sous les auspices de son altesse royale monsieur le dauphin », c’est-à-dire Louis de France (1775-1836), alors fils du roi régnant (Charles X), neveu des deux prédécesseurs (Louis XVIII et Louis XVI) de celui-ci, cousin de Louis XVII, et lui-même connu sous le nom de Louis XIX. Cette édition bénéficia de la relecture par un certain Jules Pierrot, « professeur de rhétorique au Collège Louis-le-Grand et professeur suppléant d’éloquence française de l’académie de Paris ».
        https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5773559w/f133
        [Les passages entre crochets sont mes gloses]

        XCVII.

        Pline à l’empereur Trajan.

        Je me suis fait un devoir, seigneur, de vous consulter sur tous mes doutes ; car qui peut mieux que vous me guider dans mes incertitudes ou éclairer mon ignorance ? Je n’ai jamais assisté aux informations [enquêtes] contre les chrétiens ; aussi j’ignore à quoi et selon quelle mesure s’applique ou la peine ou l’information. Je n’ai pas su décider s’il faut tenir compte de l’âge, ou confondre dans le même châtiment l’enfant et l’homme fait ; s’il faut pardonner au repentir, ou si celui qui a été une fois chrétien ne doit pas trouver de sauvegarde à cesser de l’être ; si c’est le nom seul, fût-il pur de crime, ou les crimes attachés au nom, que l’on punit. Voici toutefois la règle que j’ai suivie à l’égard de ceux que l’on a déférés à mon tribunal comme chrétiens. Je leur ai demandé s’ils étaient chrétiens. Ceux qui l’ont avoué, je leur ai fait la même demande une seconde et une troisième fois, et les ai menacés du supplice. Quand ils ont persisté, je les y ai envoyés. Car de quelque nature que fût l’aveu qu’ils faisaient, j’ai pensé qu’on devait.punir au moins leur opiniâtreté et leur inflexible obstination. J’en ai réservé d’autres, entêtés de la même folie, pour les envoyer à Rome; car ils sont citoyens romains. Bientôt après, les accusations se multipliant, selon l’usage, par l’attention qu’on leur donnait, le délit se présenta sous un plus grand nombre de formes. On publia un écrit sans nom d’auteur, où l’on dénonçait nombre de personnes qui nient être ou avoir été attachées au christianisme. Elles ont, en ma présence, et dans les termes que je leur prescrivais, invoqué les dieux, et offert de l’encens et du vin à votre image, que j’avais fait apporter exprès avec les statues de nos divinités ; elles ont même prononcé des imprécations contre le Christ : c’est à quoi, dit-on, l’on ne peut jamais forcer ceux qui sont véritablement chrétiens. J’ai donc cru qu’il les fallait absoudre. D’autres, déférés par un dénonciateur, ont d’abord reconnu qu’ils étaient chrétiens, et se sont rétractés aussitôt, déclarant que véritablement ils l’avaient été, mais qu’ils ont cessé de l’être, les uns depuis plus de trois ans, les autres depuis un plus grand nombre d’années, quelques uns depuis plus de vingt ans. Tous ont adoré votre image et les statues des dieux. Tous ont chargé le Christ de malédictions. Au reste, ils assuraient que leur faute ou leur erreur n’avait jamais consisté qu’en ceci : ils s’assemblaient à jour marqué avant le lever du soleil ; ils chantaient tour-à-tour des vers à la louange du Christ, comme d’un dieu ; ils s’engageaient par serment, non à quelque crime, mais à ne point commettre de vol, de brigandage, d’adultère, à ne point manquer à leur promesse, à ne point nier un dépôt [refuser de rendre une somme d’argent] : après cela ils avaient coutume de se séparer, et se rassemblaient de nouveau pour manger des mets communs et innocents. Depuis mon édit, ajoutaient-ils, par lequel, suivant vos ordres, j’avais défendu les associations [post edictum meum quo secundum mandata tua hetærias esse vetueram], ils avaient renoncé à toutes ces pratiques. J’ai jugé nécessaire, pour découvrir l’a vérité, de soumettre à la torture deux femmes esclaves qu’on disait initiées à leur culte : mais je n’ai rien trouvé qu’une superstition ridicule et excessive. J’ai donc suspendu l’information pour recourir à vos lumières : l’affaire m’a paru digne de réflexion, surtout par le nombre des personnes que menace le même danger. Une multitude de gens de tout âge, de tout ordre, de tout sexe, sont et seront chaque jour impliqués dans cette accusation. Ce mal contagieux n’a pas seulement infecté les villes ; il a gagné les villages et les campagnes. Je crois pourtant que l’on y peut remédier, et qu’il peut être arrêté. Ce qu’il y a de certain, c’est que les temples, qui étaient presque déserts, sont fréquentés ; et que les sacrifices, longtemps négligés, recommencent. On vend partout des victimes, qui trouvaient auparavant peu d’acheteurs. De là, on peut juger combien de gens peuvent être ramenés de leur égarement, si l’on fait grâce au repentir.

        La réponse de l’empereur :

        XCVIII.

        Trajan à Pline.

        Vous avez fait ce que vous deviez faire, mon cher Pline, dans l’examen des poursuites dirigées contre les chrétiens. Il n’est pas possible d’établir une forme certaine et générale dans cette sorte d’affaires. Il ne faut pas faire de recherches [spontabées] contre eux : s’ils sont accusés et convaincus, il faut les punir ; si pourtant l’accusé nie qu’il soit chrétien, et qu’il le prouve par sa conduite, je veux dire en invoquant les dieux, il faut pardonner à son repentir, de quelque soupçon qu’il ait été auparavant chargé. Au reste, dans nul genre d’accusation, il ne faut recevoir de dénonciation sans signature : cela serait d’un pernicieux exemple et contraire aux maximes de notre règne.

        L’État ne prendrait pas l’initiative de poursuites ; les accusations anonymes seraient ignorées (et des accusations ouvertes pouvaient se retourner contre leurs auteurs) ; le pardon serait accordé. Malgré quoi il y eut occasionnellement des victimes.

        1. Dans son Apologétique, le chrétien Tertullien commenta cette décision.
          https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k90980s.f22

          CHAPITRE II

          1. Enfin, s’il est certain que nous [les chrétiens] sommes de grands criminels, pourquoi sommes-nous traités autrement par vous-mêmes que nos pareils, c’est-à-dire que les autres criminels ? En effet, si le crime est le même, le traitement devrait être aussi le même. 2. Quand d’autres sont accusés de tous ces crimes dont on nous accuse, ils peuvent, et par eux-mêmes et par une bouche mercenaire, prouver leur innocence ; ils ont toute liberté de répondre, de répliquer, puisqu’il n’est jamais permis de condamner un accusé sans qu’il se soit défendu, sans qu’il ait été entendu. 3. Aux chrétiens seuls, on ne permet pas de dire ce qui est de nature à les justifier, à défendre la vérité, à empêcher le juge d’être injuste ; on n’attend qu’une chose, celle qui est nécessaire à la haine publique : l’aveu de leur nom et non une enquête sur leur crime. 4. Au contraire, si vous faites une enquête sur quelque criminel, il ne suffit pas, pour prononcer, qu’il s’avoue coupable d’homicide, ou de sacrilège, ou d’inceste, ou d’hostilité envers l’État, pour ne parler que des inculpations lancées contre nous. Vous l’interrogez aussi sur les circonstances, la qualité du fait, le nombre, le lieu, le temps, les témoins, les complices. 5. Avec nous, rien de semblable, et pourtant il faudrait également essayer de nous arracher l’aveu de ces crimes qu’on nous impute faussement : de combien d’enfants égorgés chacun a déjà goûté, combien d’incestes il a commis à la faveur des ténèbres, quels cuisiniers, quels chiens ont assisté. Quelle gloire pour un gouverneur, s’il découvrait un chrétien qui aurait déjà goûté de cent enfants !

          6. Au contraire, nous voyons qu’il a même été défendu d’informer contre nous. En effet, Pline le Jeune, gouvernant une province, après avoir condamné quetques chrétiens, après en avoir démonté [impressionné] quelques uns, effrayé toutefois de leur grand nombre, consulta l’empereur Trajan sur ce qu’il devait faire dans la suite. Il lui exposait que, sauf l’obstination des chrétiens à ne pas sacrifier, il n’avait pu découvrir, au sujet de leurs mystères, que des réunions tenues avant le lever du soleil pour chanter des cantiques en l’honneur du Christ comme en l’honneur d’un dieu, et pour s’astreindre tous ensemble à une discipline qui défend l’homicide, l’adultère, la fraude, la perfidie et les autres crimes. 7. Alors Trajan lui répondit que les gens de cette espèce ne devaient pas être recherchés, mais que, s’ils étaient déférés au tribunal, il fallait les punir.

          8. Oh ! l’étrange arrêt, illogique par nécessité ! II dit qu’il ne faut pas les rechercher, comme s’ils étaient innocents, et il prescrit de les punir, comme s’ils étaient criminels ! Il épargne et il sévit, il ferme les yeux et il punit. Pourquoi, ô censeur, te contredire ainsi toi-même ? Si tu les condamnes, pourquoi ne les recherches-tu pas aussi ? Si tu ne les recherches pas, pourquoi ne les absous-tu pas aussi ? Pour la recherche des brigands, il y a dans chaque province un détachement militaire désigné par le sort ; contre les criminels de lèse-majesté et les ennemis de l’État, tout homme est soldat et la recherche s’étend aux complices, aux confidents. 9. Le chrétien seul, il n’est pas permis de le rechercher, mais il est permis de le dénoncer, comme si la recherche avait un autre but que la dénonciation ! Vous condamnez donc un chrétien dénoncé, alors que personne n’a voulu qu’il fût recherché ! Et je le crains bien, s’il mérite un châtiment, ce n’est pas parce qu’il est coupable, mais parce qu’il s’est fait prendre, alors qu’il ne devait pas être recherché.

          10. Mais voici un autre point, où vous ne nous traitez pas non plus d’après les formes de la procédure criminelle : c’est que, quand les autres accusés nient, vous leur appliquez la torture pour les faire avouer ; aux chrétiens seuls vous l’appliquez pour les faire nier. Et pourtant, si c’était un crime d’être chrétien, nous nierions et vous auriez recours à la torture pour nous forcer d’avouer. Et en effet, il n’est pas vrai que vous croiriez inutile de rechercher par la torture les crimes des chrétiens, parce que l’aveu du nom de chrétien vous donnerait la certitude que ces crimes sont commis : car vous-mêmes, chaque jour si un meurtrier avoue, bien que vous sachiez ce que c’est que l’homicide vous lui arrachez par la torture les circonstances de son crime. 11. Par conséquent, c’est contrairement à toutes les règles de la justice que, présumant nos crimes d’après l’aveu de notre nom, vous nous forcez par la torture à rétracter notre aveu, pour nous faire nier, en même temps que notre nom, tous les crimes que l’aveu du nom vous avait fait présumer.

          12. Mais peut-être ne voulez-vous pas que nous périssions, nous que vous considérez comme de grands scélérats ! Voilà pourquoi, sans doute, vous avez coutume de dire à un homicide : « Nie » ; et un sacrilège, vous le faites déchirer, s’il persiste à avouer. Si vous n’en agissez pas ainsi envers des criminels, vous nous jugez donc tout à fait innocents ; vous ne voulez pas que nous persévérions dans un aveu que vous savez devoir condamner par nécessité et non par justice..

          Tertullen poursuivait ainsi :

          CHAPITRE V

          1. Pour remonter à l’origine des lois de ce genre, il existait un vieux décret qui défendait qu’un dieu fût consacré par un imperator [général victorieux proclamé de ce titre par ses hommes sous la république ; titre réservé à l’empereur d’un général dont l’armée jugeait qu’il avait remporté une grande victoire, sous la monarchie ; en raison de ce monopole du souverain, imperator a donné empereur], s’il n’avait été agréé par le Sénat. Marcus Æmilius l’a appris à propos de son dieu Alburnus. C’est encore un point qui est utile à notre cause : chez vous, c’est le bon plaisir de l’homme qui décide de la divinité. Si un dieu n’a pas plu à l’homme, il ne sera pas dieu ; voità donc que l’homme devra être propice au dieu. 2. Donc Tibère, sous le règne de qui le nom chrétien a fait son entrée dans le siècle, fit rapport au Sénat sur les faits qu’on lui avait annoncés de Syrie-Palestine, faits qui avaient révélé là-bas la vérité sur la divinité du Christ, et il les appuya le premier par son suffrage. Le Sénat, ne les ayant pas agréés lui-même, les rejeta. César [avec auguste, c’est l’un des deux titres officiels de l’empereur] persista dans son sentiment et menaça de mort les accusateurs des chrétiens. 3. Consultez vos annales et vous y trouverez que Néron le premier sévit avec le glaive impérial contre notre secte, qui naissait alors précisément à Rome. Qu’un tel prince ait pris l’initiative de nous condamner, c’est pour nous un titre de gloire. Car qui connaît Néron peut comprendre que ce qu’un Néron a condamné ne peut être qu’un grand bien. 4. Un essai fut tenté aussi par Domitien, ce demi-Néron par ia cruauté, mais comme il lui restait quelque chose de l’homme, il renonça vite à son projet et rappela même ceux qu’il avait exilés. Tels furent toujours nos persécuteurs, hommes injustes, impies, infâmes ; vous-mêmes avez coutume de les condamner et vous rappelez toujours ceux qu’ils ont condamnés.

          5. Mais parmi tant de princes qui suivirent jusqu’à nos jours, de tous ceux qui ont le respect des lois divines et humaines, citez-en un seul qui ait fait la guerre aux chrétiens. 6. Nous, au contraire, nous pouvons citer parmi eux un protecteur des chrétiens, si l’on veut bien rechercher la lettre de Marc-Aurèle, ce très sage empereur, dans laquelle il atteste que la soif cruelle qui désolait l’armée de Germanie fut apaisée par une pluie accordée par hasard aux prières de soldats chrétiens. S’il n’a pas expressément révoqué l’édit de persécution, il en a publiquement neutralisé les effets d’une autre manière, en menaçant même les accusateurs d’une peine, et d’une peine plus rigoureuse encore. 7. Que penser donc de ces lois que seuls exécutent contre nous des princes impies, injustes, infâmes, cruels, extravagants, insensés, que Trajan éluda en partie en défendant de rechercher les chrétiens, que ne fit jamais appliquer un Vespasien, bien qu’il fût le destructeur des Juifs, jamais un Hadrien, curieux scrutateur de toutes choses, jamais un Antonin le Pieux, jamais un Vérus. 8. Et pourtant, des scélérats devraient, à coup sûr, être exterminés par les meilleurs princes, leurs ennemis naturels, plutôt que par leurs pareils.

          Le grand Tertullien, premier à expliciter la Trinité, mais aussi homme intransigeant qui eut plus d’imagination que de force d’analyse, et qui termina dans une secte exaltée, répète sur les empereurs, en bien ou en mal, le jugement des ennemis des chrétiens. Il n’est pas vraisemblable que Tibère aurait reconnu le dieu chrétien. Marc-Aurèle n’a jamais mentionné la pluie comme due à ce dieu ; d’autres grands auteurs chrétiens, plus tardifs que Tertullien, firent même de ce souverain un grand persécuteur, mais Terullien est lui un témoin direct de ce règne, et non par ouï-dire contrairement à eux. Quoi qu’il en fût, Tertullien prouve que les autorités impériales de son temps n’étaient pas acharnées contre le christianisme.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *